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La baronne Schéhérazade
Karen Blixen   Les Contes
Gallimard - Quarto 2007 /  27 € - 176.85 ffr. / 1246 pages
ISBN : 978-2-07-078235-2
FORMAT : 14,0cm x 20,0cm
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Karen Blixen, dont le nom complet est Karen Christence baronesse von Blixen-Finecke (Dinesen), est née en 1885 à Rungstedlund, et morte en 1962. Elle a dix ans quand son père, soldat, se pend, pour éviter la détérioration dégradante liée à la syphilis. À dix-neuf ans, elle commence une série de contes gothiques, qui seront publiés en 1908 sous le pseudonyme d'Osceola. En 1914, elle épouse son cousin, le baron Bror von Blixen-Finecke, avec qui elle part au Kenya pour commencer une plantation de café, qui fera faillite. L'année suivante, son mari lui transmet la syphilis, et ils divorceront en 1925. En avril 1918, au cours d’un dîner à Nairobi, Karen Blixen fait la connaissance du pilote anglais Denys Finch Hatton. Il devient son amant. La crise mondiale aggrave les difficultés économiques de la plantation. Karen Blixen doit vendre sa ferme en mars 1931. Elle est ruinée.

Bref, un destin tragique et particulier, qui a donné une grande romancière. Le recueil publié dans la collection «Quarto» rassemble tous ses contes dans un ordre chronologique. Les lecteurs qui ne la connaissent pas ont certainement entendu parler de ses romans adaptés à l'écran : La Ferme africaine (1937) par Sydney Pollack (Out of Africa, 1985, avec Meryl Streep et Robert Redford), ou Le Festin de Babette (1987) de Gabriel Axel avec Stéphane Audran ; et surtout la nouvelle intitulée Une éternelle histoire, qui donnera le superbe film d'Orson Welles, Une histoire immortelle (1967), avec Jeanne Moreau et Orson Welles.

Dans La Ferme africaine, Karen Blixen écrivait : "La mode a changé et l'art d'écouter les histoires s'est perdu en Europe". Et elle ajoutait plus loin : "En son absence [celle de Denys Finch Hatton], j'avais eu le temps d'en inventer. Le soir, il s'installait par terre, devant la cheminée, environné de tous les coussins de la maison, j'étais assise auprès de lui, telle Schéhérazade, et il pouvait écouter attentivement une histoire du commencement à la fin". Karen Blixen, baronne de son état, a en effet écrit beaucoup de nouvelles et de contes pour retrouver sans doute cet art de conter, d'enchanter les hommes et les femmes en repoussant le douloureux moment de la mort.

Si les premières nouvelles comme Sept Contes gothiques ne sont pas parmi les plus réussies, trop ancrées dans le romantisme du XIXe siècle, et pour tout dire assez ennuyeuses et longues, les Contes d'hiver marquent déjà une nette tournure au niveau du style et de la narration. Dans L'Enfant rêveur, l’auteur écrit notamment : "Elle n'avait pas vingt ans quand eut lieu le mariage avec Jacob et qu'elle se trouva reine et maîtresse d'une belle demeure. Plus d'une jeune fille de Copenhague se mariait alors par dépit, pour sauver sa dignité personnelle, reniant son propre amour et se faisant un point d'honneur de vanter l'excellence de son mari. Ces jeunes épouses furent bientôt incapables de distinguer entre la vérité et le mensonge." (p.446) Dans la nouvelle, si cette femme est émue par cet enfant qu'elle a adopté, c'est parce qu'il est aussi isolée qu'elle comme elle se l'avoue. Seule car Emilie a perdu l’homme de sa vie, Charlie, et elle s’est mariée sans grand enthousiasme avec Jacob. Mais cet enfant adopté, l’est-il vraiment ou est-ce le sien ? Emilie déraisonne-t-elle ?

La nouvelle Alcmène est fort étrange et raconte l'histoire d'un garçon, Vilhelm qui va faire la connaissance d'Alcmène, une jeune fille adoptée par un pasteur et sa femme. Ils vont grandir jusqu'au jour où Alcmène demandera à son jeune compagnon de l'emmener à Copenhague pour assister... à l'exécution d'un criminel. Karen Blixen va aimer de plus en plus les destins singuliers comme celle de Babette, la française, dans la nouvelle célèbre où une servante, par pure bonté, ayant gagné à la loterie, offre un succulent et somptueux repas à la famille qui l'a adoptée et recueillie. Elle aurait pu partir, s'en aller vivre ailleurs, retourner dans son pays d'origine comme l'aurait fait n'importe qui d'autre...

Karen Blixen a ainsi des affinités particulières avec le conte, cette manière si subtile de raconter une fiction, de faire un petit détour afin que l'esprit humain appréhende différemment la réalité pour mieux la retrouver, en fin de compte. C’est très vrai avec Une éternelle histoire, exemple remarquable de l'art de Karen Blixen. Cet étonnant récit qui fait partie d’Anecdotes du Destin, se passe à Macao, dans les années 1880. Mr. Clay, riche et vieux marchand américain, vit reclus, n’ayant pour toute visite que celle de son comptable, Elishama Lewinsky, qui lui raconte des histoires. Un jour, Clay évoque un jeune marin auquel un vieil homme offrit cinq guinées pour faire un enfant à sa jeune femme. Mais Elishama Levinsky lui révèle que cette histoire, légende qui circule de bateau en bateau, n’est certainement jamais arrivée. Dès lors, Clay met tout en oeuvre pour transformer la fiction en réalité, pour que l'histoire devienne réelle et qu'elle puisse se répandre dans le monde. L'idée est merveilleuse. En somme, cette nouvelle conjugue tout. La vie, la mort, la fiction, le conte... Le dérisoire de l'existence aussi car cet homme, M. Clay, est au bord de la mort. Et comme Schéhérazade, il tente vainement de retarder l’inéluctable venue. Quand il n’y a plus d’histoire, la mort est proche.

Karen Blixen savait certainement de quoi elle parlait puisque c'est sans doute la littérature qui lui a sauvé la vie. Après la perte de l'amour de sa vie le 14 mai 1931 - Denys Finch Hatton meurt dans un accident d’avion au Kenya -, Karen Blixen retourna définitivement au Danemark et se consacra à la littérature.


Yannick Rolandeau
( Mis en ligne le 16/05/2008 )
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