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Lasciate ogne speranza, voi ch’intrate
John Burnside   La Maison muette
Métailié 2008 /  8 € - 52.4 ffr. / 201 pages
ISBN : 978-2-86424-637-4
FORMAT : 12,5cm x 19cm

Traduction de Catherine Richard.
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Les poètes incarnent par excellence les Éclairés du Verbe. Depuis la nuit des temps, grâce à leurs associations lumineuses de sonorités, de rythmes, de lettres, ils tissent un lien invisible, presque magique, entre le réel et le spirituel afin de bercer les esprits, de nourrir les illusions, d’ancrer par la légèreté et de survolter par la densité. Rien d’étonnant dès lors que, dans son premier roman, La Maison muette, l’Écossais John Burnside, dont les vers sont (re)connus au-delà de ses frontières natales, entame une si troublante méditation en miroir sur l’âme et le langage.

Car c’est bien là la préoccupation obsessionnelle de Luke, le narrateur, déclinée froidement à travers ses souvenirs juvéniles et ses expérimentations présentes. Sa capacité à éprouver des sentiments est très tôt atrophiée par sa mère, une femme d’une rigidité exemplaire mettant au pas son entourage au sein d’un simulacre existentiel orchestré avec brio. Les rituels immuables, le refus catégorique d’intimité, la pudeur exacerbée cadrent donc rigoureusement le quotidien de la maisonnée isolée du monde. Ces barrages au développement émotionnel de tout individu n’empêchent pourtant pas Luke de se mouvoir en symbiose avec cette génitrice castratrice et névrosée, tandis que, dans un même élan, il rejette d’un bloc l’affection maladroite d’un père inconsistant, contraint à l'absence. Se cristallise alors en lui, de dissections d’animaux en observations pathologiques, une fascination tenace pour la mort, qui le viciera irrémédiablement tel un poison insidieux.

Ainsi, suite à la lente et douloureuse agonie de sa procréatrice, dont il fut le témoin privilégié du haut de ses trente ans, Luke commence une quête insensée – ou trop sensée –, et vaine : celle du siège de l’âme, et par là-même de l’essence du langage. Le moteur de cette recherche effrénée réside en l’histoire d’Akbar le Moghol, une légende captivante que sa mère lui contait autrefois avec luxe de détails. Celle-ci avait pour décor le Gang Mahal, une «Maison Muette» où étaient cloîtrés, dans le silence le plus insondable, d’innocents bébés. Cette séquestration immorale, ordonnée par l’empereur, avait pour but de trancher empiriquement un problème épineux débattu par les conseillers du souverain dyslexique : la possibilité d’une aptitude divine à la parole.

L’Autodidacte zélé désire à nouveau tenter cette expérience et la mener à terme, mais sur base de ses constatations cliniques personnelles et de ses propres outils réflexifs glanés tous azimuts dans les bibliothèques. Ses sujets, des êtres à la dérive, prendront d’abord le visage de Karen et de son fils autiste, et ensuite celui de Lillian et de leur progéniture commune. Les jumeaux «A» et «B», comme Luke les nomme, exacerberont involontairement sa soif inextinguible de compréhension : ils sont les détenteurs du sésame métaphysique. Ou non.

La Maison muette pose avec âpreté la question du destin, l’incipit le trahit d’emblée : «Nul ne pourrait dire que c’était un choix de ma part de tuer les jumeaux, pas plus qu’une décision de les mettre au monde. Ces évènements s’imposèrent l’un à l’autre comme une nécessité inéluctable, un des fils dont est tissée la toile de ce que l’on pourrait appeler le destin, faute de mot plus approprié… un fil que ni moi ni personne n’aurait pu ôter sans dénaturer le motif entier». Mais, plus encore, ce récit immerge le lecteur dans une réflexion de la corruption intrinsèque et le mystère enivrant du logos, très intelligemment mise en mots dans le texte en «je», glacial et violent, d’un homme avide de connaissance. Jusqu’à l’inhumanité. Un livre à ne pas laisser entre toutes les mains, et surtout à ne pas raconter aux bambins le soir venu…


Samia Hammami
( Mis en ligne le 16/09/2008 )
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