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Chronique, critique, politique et nouvelle
Klaus Mann   Aujourd’hui et demain - L'esprit européen. 1925-1949
Phébus - Domaine Etranger 2011 /  23 € - 150.65 ffr. / 267 pages
ISBN : 978-2-7529-0516-1
FORMAT : 13,9cm x 20,4cm

Voir aussi :

- Klaus Mann, Speed, Phébus (Libretto), Février 2011, 313 p., 10 €, ISBN : 978-2-7529-0517-8

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Klaus Mann (1906-1949) est la figure type de l’écrivain maudit tel qu’on se le représente depuis les romantiques. Le jeune homme sensible, surdoué, tourmenté, drogué, homosexuel se donne la mort à l’âge de 42 ans seulement alors qu’il ne croit plus en lui ni en son talent. Ironie du sort, signe de ce destin maudit, son œuvre fut essentiellement posthume et reconnue des années après sa disparition. Pour le fils de Thomas Mann (1875-1955) et neveu d’Heinrich Mann (1871-1950), la succession littéraire apparaissait quelque peu difficile, mais Klaus est un passionné et écrit dès le plus jeune âge. Son œuvre, importante (tous genres confondus), et son engagement dans une tentative de réunification franco-allemande font de lui un intellectuel de notre temps.

Les éditions Phébus, qui rééditent depuis deux ans l’essentiel de ses textes (Contre la barbarie, Point de rencontre à l’infini, Speed), proposent cette année une sélection d’articles que Klaus Mann publia dans des journaux allemands, néerlandais et américains ainsi que quelques tapuscrits inédits. C’est cet esprit européen, essentiel dans son œuvre et son engagement, que le lecteur redécouvre le temps de quelques chroniques bien vues et souvent justes sur son époque. Trois grands axes sautent aux yeux : l’esprit politique, l’esprit littéraire et l’esprit culturel. En effet, Mann nous présente à la fois son mode de pensée et son univers artistique. De grands noms, de grands slogans et de beaux souvenirs composent ce recueil de l’entre-deux-guerres.

Mann est un pacifiste, un socialiste amoureux de la culture française. Écrivain-journaliste, il parcourt le monde à la rencontre de ses confrères pour les lires et leur rendre hommage. Les années 30 sont synonymes à la fois d’inquiétude et d’explosion créatrice. La montée du nazisme et le spectre de la guerre lui font écrire quelques articles clefs sur ces questions : ''Aujourd’hui et demain'' (1927) mais aussi et surtout ''La Jeunesse et la Paneurope'' (1930), ou encore ''En quoi la jeunesse européenne croit-elle ?'' (1935). L’idée étant de lier viscéralement l’Allemagne à la France et de lutter de manière frontale contre le nazisme et tous ses aspirants. Mais Klaus Mann se veut quelqu’un de visionnaire et de subtil. S’il est critique vis-à-vis de la littérature patriotique, il reste à l’écoute et parfois en admiration devant ses grands représentants : Stefan George et même Ernst Jünger restent à ses yeux primordiaux. En France, il respecte et admire les œuvres de Barbusse, Maurois, Giraudoux, ou encore Giono, dont il rend compte par des critiques tout à fait pertinentes.

Klaus Mann brille en effet davantage encore lorsqu’il nous compte ses rencontres avec des écrivains français - Crevel, Gide, Mauriac, Cocteau, Green... -, et lorsqu’il commente leurs romans. Durant les années 30, deux aspects d’une littérature bien distincte semblaient rivaliser : les surréalistes contre l’école Cocteau ; malgré un attachement au romancier surréaliste René Crevel (1900-1935), Mann semble choisir son camp, notamment en se désolidarisant plus tard de Breton et ses dérives autoritaires.

Ce sont donc des chroniques sur les années folles que propose Klaus Mann, témoin et acteur d’une période fragile, enthousiaste et tragique. Lui qui rêvait d’une union franco-allemande ne la vécut que durant l’armistice entre Hitler et Pétain (un article sur Pierre Laval montre toute la véhémence de l’écrivain allemand contre les traîtres et les nationaux-socialistes). Enfin, celui qui voulut être reconnu comme écrivain à part entière, malgré l’ombre paternelle, mourut alors qu’il se trouvait dans l’incapacité d’écrire la moindre ligne. A l’instar d’un Maurice Sachs dont il est le parfait contemporain, il fut ''découvert'' après sa tragique disparition.

Ce recueil d’articles et de chroniques renvoie le lecteur à un temps certes révolu mais qui nous parle encore, avec des noms comme ceux d’André Gide, Jean Cocteau, Julien Green, René Crevel, François Mauriac, André Maurois, qu’il faut continuer de lire. Si tous les Allemands avaient été comme Klaus Mann en son temps, il n’y aurait pas eu de guerre et la littérature française aurait traversé les frontières avec beaucoup de goût et d’émotion. C’est aussi l’idée de se livre. Communiquer cette passion des lettres et de l’engagement intellectuel européen.

Toujours sous la forme du recueil mais cette fois-ci des nouvelles écrites entre 1926 et 1943, Speed est une plongée dans la modernité, la vitesse, et la bourgeoisie de l’entre-deux-guerres. Ces quinze nouvelles, plus ou moins longues, abondent en personnages fidèles à l'adage que James Dean définira bien plus tard : «Vivre vite, mourir jeune et faire un beau cadavre».

S’il n’y a pas vraiment de cohérence entre ces textes, dont certains ont été retrouvés et publiés il y a une dizaine d’années seulement, on retrouve néanmoins l’attrait qu’avait Klaus Mann pour les belles villas du sud de la France, le voyage (Europe, États-Unis), les personnages troubles et ambigus (Speed en est l’incarnation). Ici un suicide, là un trafic de drogue, plus loin un braquage, ou encore un amour conflictuel, l’univers de Speed est à la fois violent, torturé, fragile et souvent «décalé», c'est-à-dire comique et léger. Et si certains s’en sortent, d’autres périront. En cela, Mann est l’incarnation symbolique d'un «Mal du siècle», entre amour malheureux, argent facile et mort tragique (James Dean y ajoutera le sport mécanique). Ces nouvelles proviennent directement de son expérience personnelle, de ses rencontres et de ses voyages. En somme, il tente de représenter son époque, entre dangerosité, sensibilité et impossibilité.

Inégales souvent, jamais faciles et parfois avec un semblant d’inachevé, ces nouvelles raviront les amateurs de Klaus Mann. D'autres, moins habitués à la lecture de ce trublion de la littérature, en resteront peut-être à cet aspect faussement expédié.


Jean-Laurent Glémin
( Mis en ligne le 01/04/2011 )
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