| Hervé Guibert Articles intrépides - 1977-1985 Gallimard - NRF 2008 / 25 € - 163.75 ffr. / 380 pages ISBN : 978-2-07-078091-4 FORMAT : 14cm x 20,5cm
Lauteur du compte rendu : Arnaud Genon est docteur en littérature française (PhD), membre du Groupe «Autofiction» ITEM (CNRS-ENS) et auteur, chez lHarmattan, de Hervé Guibert. Vers une esthétique postmoderne (2007). Il a cofondé un site de ressources consacré à Hervé Guibert (http://herveguibert.net) et un site dédié à lécriture autofictionnelle (http://autofiction.org). Imprimer
Hervé Guibert, écrivain, photographe, était aussi journaliste. Dès 1977, lauteur de A lami qui ne ma pas sauvé la vie se consacra, dans les pages culturelles du Monde, alors dirigées par Yvonne Baby, à lécriture darticles sur la photographie (La Photo, inéluctablement, Gallimard, 1999) mais aussi à des reportages, des entretiens, des enquêtes sur la vie culturelle dalors, que ces Articles intrépides compulsent et rendent de nouveau accessibles, pour notre plus grand bonheur.
Il est vrai que le présent recueil ne manque pas dintérêts. Il permet tout dabord de (re)découvrir une des plumes journalistiques les plus singulières de son temps. Hervé Guibert nétait pas de ces journalistes froids et distants qui abordent leurs sujets avec un regard dit «objectif». Ce quHervé Guibert écrit, ce sont des expériences, ses expériences. Souvent donc, il dit «je». Et il ne relate pas seulement ce quil a vu, entendu, il nous emmène à ses côtés, nous invite à le suivre, à partager avec lui des instants, des rencontres, des surprises. Le premier article, «Auteur en quête de spectateur», en est un bon exemple. Guibert y raconte, avec ce quil faut dhumour et dautodérision, sa lecture de Suzanne et Louise, au Gueuloir dAvignon, en 1977. Cest dailleurs grâce à cet article, qui séduisit la rédaction du Monde, quil put écrire dans le plus prestigieux des quotidiens français.
Cet ouvrage est aussi la formidable occasion daller revisiter la vie culturelle du début des années quatre-vingt. Et le parcours que nous propose Guibert est bien celui dun curieux intrépide qui sintéresse à tous les domaines de la création de son temps. Il traverse les musées (musée de lHomme, musée Grévin), visite les coulisses du grand spectacle, interroge tout aussi bien les plus grands philosophes (Gilles Deleuze) que les actrices (Fanny Ardant) ou des réalisateurs tels que Pialat ou Rivette. Pour Guibert, tout est matière à écriture car tout lintéresse. Il évoque, avec le même enthousiasme, la voix de Maria Callas et celle, «suave», dEtienne Daho. Car être intrépide, cest cela pour Hervé Guibert : ne rien négliger de ce qui lentoure, aller partout et surtout là où on ne lattend pas car personne ny est attendu.
Ceux qui ont suivi Guibert pourront lire ces Articles intrépides comme une constituante à part entière de son uvre littéraire. En effet, au-delà du travail journalistique, ancré dans son époque, on retrouve ici les obsessions de lauteur pour les personnages de cire du musée Grévin, pour les aveugles, pour la peinture à travers notamment ses articles sur Balthus, on retrouve son amour du cinéma, son attirance pour les stars (Isabelle Adjani)
Autant déléments qui ont véritablement nourri son écriture et qui font de ces articles lantichambre ou le prolongement de son travail artistique. On ne manquera pas non plus de mesurer les qualités stylistiques de lécrivain, la précision de son regard acéré, sa volonté de dire juste et vrai, son humour aussi. Et peut-être se rendra-t-on compte enfin, 17 ans après sa mort, du vide quil a indéniablement laissé dans lunivers des lettres françaises.
Arnaud Genon ( Mis en ligne le 03/12/2008 ) Imprimer
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