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Littérature  ->  Essais littéraires & histoire de la littérature  
 

L'art roman
Lakis Proguidis   Rabelais, que le roman commence !
Pierre-Guillaume de Roux 2017 /  26,90 € - 176.2 ffr. / 380 pages
ISBN : 978-2-36371-181-6
FORMAT : 15,5 cm × 24,0 cm
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Essayiste, directeur de la revue littéraire L'Atelier du roman, fondée en 1993, et auteur de La Conquête du roman (Les Belles Lettres), Lakis Proguidis commence son livre par un fait personnel significatif : «Enfermé pendant quatre ans en tant qu'opposant au régime dit des Colonels (1967-1974). Quatre années de lectures intensives. Bonheur à jamais perdu, hélas. Quelques mois avant ma libération, j'avais lu La Plaisanterie de Milan Kundera. Je l'avais lu d'un trait, c'était ma première nuit blanche littéraire».

Voilà une situation inédite et ceux qui ne comprennent rien à l'esprit du roman passeront à côté d'une telle phrase. Quoi ? vont-ils s'écrier ! Cet homme est emprisonné et il regrette cette période heureuse car il a lu avec ferveur ! «Bonheur à jamais perdu, hélas», ose-t-il écrire ! Et non... Lakis Proguidis ne pleure pas, il ne se lamente pas d’avoir été en prison. Cette scène met d'emblée l'accent sur le "paradoxe existentiel" qui rôde dans le roman. C'est au fond ce qu'interroge l'auteur dans cet essai foisonnant qui, tel un fleuve paisible néanmoins, charrie moult aspects de l’entreprise littéraire.

Lakis Proguidis semble, par on ne sait quelle alchimie, avoir mélangé son sang avec les pages des romans depuis fort longtemps, pour former un esprit fort singulier. Il tente de se pencher et de s'interroger sur ce que peut bien être un roman. Le roman bouleverse des vies, passionne les hommes et les femmes au point que certains dédient toute leur vie à écrire.

Sans doute que pour beaucoup le roman fait simplement passer le temps. Il distrait. Lakis Proguidis n’ausculte pas le corps du roman comme un doctorant avec son stéthoscope intellectuel, célébrant le genre romanesque dans une pose universitaire ou conceptuelle, une glose savante mais abstraite. Il aborde au contraire ce dernier comme une vaste forêt existentielle remplie de ronces, de sentiers broussailleux, d’odeurs capiteuses, de marais obscurs. Ici, pas de chapitre bien découpé et sérieux. Non, nous glissons et nous nous aventurons dans cette forêt, pour faire face à l’insondable énigme du monde et du cosmos, au mystère des hommes, des bêtes et des choses. C’est peut-être la stratégie discrète et ironique du roman que de déjouer tous les clichés et les idées toutes faites sur l’expérience humaine.

C’est sans doute pour cela que l’expérience relatée en prison est surprenante car elle ne va pas de soi. Et Proguidis ajoute : «Pour notre plus grand plaisir, les bons romans ne sont pas écrits dans le but de nous délivrer de nos soucis». Il fait allusion à d'autres grands romans qui l'ont marqué : La Divine comédie de Dante, Ulysse d'Homère, Don Quichotte de Cervantès. Mais aussi Alexandre Papadiamantis (1851-1911), auteur grec peu connu à qui l'on doit Autour de la lagune et autres nouvelles ou Les Petites filles et la mort ; et d'autres encore : Le Décameron de Boccace, et, bien sûr, Rabelais.

Lakis Proguidis parle aussi du lecteur, d’esthétique, de Mikhaïl Bakhtine, auteur d’un essai sur Rabelais. S’il serait trop long de retracer toutes les entrelacs et circonvolutions de l’essai, signalons celui-ci, essentiel : le rire farcesque, si difficile à définir, entre raillerie, satire, mise à distance. Ici, le rire est plutôt spirituel devant l’expérience humaine, insondable et bigarrée, et les idéologies. Proust dit dans Le Temps retrouvé : «La vraie vie, c’est la littérature». car la littérature restitue esthétiquement les expériences de l’existence dans leur authenticité paradoxale et déroutante.

Dans cette marmite, Proguidis s'interroge pour une large part sur Rabelais qui ouvre à cette époque moderne, le XVIe siècle, l'aventure du roman tel que nous le connaissons de nos jours. Il revient donc en détails sur la farce, les mystères qui ont permis l'élaboration du périple romanesque, le christianisme, les drames liturgiques. Un passage foisonnant et riche de sens sur cette période essentielle.

L’objectif de l’auteur est, semble-t-il, de souligner toute l’ampleur et la richesse du roman et de replacer celui-ci entre les mains des créateurs et des vrais curieux. Le poète Octavio Paz écrit dans De vive voix : «Lorsque je suis revenu en France après 1950, un nouveau changement culturel était intervenu, pas seulement en France, d'ailleurs, mais partout dans le monde : la prise du pouvoir par les professeurs et la prééminence des critiques sur les créateurs. Les théoriciens sont parvenus à expulser les poètes et les romanciers. (…) Il faut rendre à l'imagination la fonction que les professeurs et les théoriciens lui ont usurpée». C’est en quelque sorte ce que Lakis Proguidis incarne dans cet essai passionnant.


Yannick Rolandeau
( Mis en ligne le 15/05/2017 )
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