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Littérature -> Essais littéraires & histoire de la littérature |
| Charles Dantzig Remy de Gourmont - Cher Vieux Daim ! Le Livre de Poche 2015 / 6.60 € - 43.23 ffr. / 216 pages ISBN : 978-2-253-18274-0 FORMAT : 11,0 cm × 17,8 cm
Première publication en mars 2008 (Grasset) Imprimer
Ce premier ouvrage de Charles Dantzig lui a permis de rentrer en littérature en couronnant luvre et la vie de cet écrivain injustement boudé et passé à la trappe de la postérité, le talentueux Remy de Gourmont (1858-1915).
Gourmont reste à redécouvrir pour bien des raisons. Il nest pas seulement lun des principaux fondateurs du Mercure de France et lun des représentants du symbolisme français, il est aussi lauteur de romans, de recueils de poésie, de pièces de théâtre ainsi que dessais portant sur la langue française, la littérature, la réflexion esthétique et morale, la science et la philosophie. Ses promenades littéraires et philosophiques, réunies en plusieurs volumes, difficilement trouvables aujourdhui, en témoignent. Il y a chez Gourmont cet aspect savoureux et sérieux qui dresse une uvre exigeante et plaisante. Et cest ce que la courte biographie de Dantzig tend à montrer en replongeant dans le contexte culturel particulier de la fin du dix-neuvième siècle et du début du vingtième.
Car cest véritablement une promenade dans le Paris littéraire que Dantzig a reconstituée pour le plaisir du lecteur. Autour de la figure centrale de Gourmont, on y croise Léautaud (très utile puisquil a beaucoup parlé de son ami dans son énorme Journal littéraire), mais aussi Alfred Jarry, Octave Mirbeau, Villiers de lIsle Adam à qui il dédiera son roman Sixtine en 1890, Anatole France, Jules Renard, André Gide, etc..
Après des études de droit, Gourmont commence à publier quelques articles tout en travaillant à la Bibliothèque Nationale. Discret mais talentueux, il commence à être influent dans le milieu éditorial parisien où il publie quelques articles. Séducteur, il rencontre Berthe de Courrière qui lui inspirera son roman Sixtine (1890). Mais à limage dun Scarron deux siècles plus tôt, la vie de Gourmont prend une tournure tragique : il attrape à lâge de 33 ans un lupus qui le défigurera, le contraignant à ne plus trop sortir, la maladie laffaiblissant et le vieillissant à vue dil. Il ne sortira de son appartement du 71 de la rue des Saint-Pères que pour se rendre au Mercure de France ou converser avec quelques collègues écrivains. Néanmoins, les romans et les essais senchaînent (la maladie y étant pour quelque chose
) et rentrent pour la plupart dans le cadre du symbolisme, dont les principaux adjectifs le définissant sont : idéiste, sensible, subjectif, décoratif et idéal.
Dantzig évoque la querelle que lécrivain eut avec Gide et propose de manière subtile de définir ce que fut lesthétique et la valeur littéraire de Gourmont. En peu de mots, il cerne assez bien la personnalité et la carrière de cet écrivain méconnu : «Gourmont est un excellent écrivain dont lintelligence saccompagnait de la peur dêtre dupe, aussi a-t-il hésité à prendre le risque du chef duvre ; son talent reste souvent étroit dans ses romans, ses contes, son théâtre. Il aurait pu avoir un génie dérudit délirant à la façon de Villiers quil admirait tant, ou un génie inarrêtable à la Voltaire, mais il est devenu non pas un sage, heureusement : un blasé fouetté par des crises de dédain. Il nétait pas assez amoureux de ses personnages : même dans Sixtine, qui ne manque pas de lyrisme, aux pages dabandon succèdent des pages crispées qui, par un sarcasme, un trait de mépris, stoppent lélan».
Gourmont est surtout resté célèbre pour ses fameuses Lettres à lAmazone publiées un an avant sa disparition en 1915 ; cest un recueil de correspondances quil établit avec sa dernière muse, Natalie Clifford Barney, objet dune véritable passion. Gourmont aura ouvert une voie en annonçant sa célèbre théorie de lidée juste : «Lidée est nécessairement vraie ; une idée discutable est une idée amalgamée à des notions concrètes, cest-à-dire une vérité. Le travail de la dissociation tend précisément à dégager la vérité de toute sa partie fragile pour obtenir lidée pure, une, et par conséquent inattaquable» ; et son aspect visionnaire : «Après lEglise, on arracherait à la tutelle bureaucratique linstruction publique, les beaux-arts, lagriculture, les postes, plusieurs autres administrations, sans compter les tabacs et les allumettes, et peu à peu lEtat se trouverait réduit à son vrai rôle, celui de juge de paix». À noter bien évidemment lironie. Moraliste, il a publié quelques aphorismes dont voici lun deux, caustique à souhait : «Les terrassiers grévistes, à Berlin, ont tué à coups de couteau un cheval qui travaillait, un traître».
À limage de ces auteurs méconnus, les Pierre Louÿs, les Marcel Schwob, Gourmont gagnerait à être redécouvert. Ce vieil essai de Dantzig rend un hommage pertinent à ce grand écrivain méconnu.
Jean-Laurent Glémin ( Mis en ligne le 23/10/2015 ) Imprimer | | |
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