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Kafka fragmenté
Franz Kafka   Aphorismes
Joseph K - Métamorphoses 2011 /  8 € - 52.4 ffr. / 78 pages
ISBN : 978-2-910686-60-4
FORMAT : 11,8cm x 18,5cm

Guy Fillion (Traducteur)

Alain Coelho (Préfacier)

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«Si le jugement de la postérité sur un individu est plus juste que celui de ses contemporains, la raison en est dans la personne du mort. On ne déploie ce que l’on est profondément qu’après la mort, une fois seul. Être mort pour l’individu c’est le samedi soir du ramoneur : il secoue la suie qui lui recouvre le corps. On voit alors si ses contemporains lui ont plus nui qu’il ne leur a nui. Dans le second cas, c’était un grand homme» - Franz Kafka

Ce texte est peu connu dans l’œuvre posthume de Kafka, révélée (justement ou injustement, tel est le débat) par son ami Max Brod, et il est donc utile de revenir sur son origine. En effet, ces aphorismes inclus en 1953 par Brod dans le recueil Préparatifs de noces à la campagne avaient pour titre ou sous-titre initial : Considérations sur le péché, la souffrance, l’espoir et le vrai chemin. L’éditeur Joseph K. et Gallimard avant lui proposent d’en fournir une version définitive et indépendante des autres œuvres posthumes de l’écrivain tchèque. A cela il faudrait faire quelques remarques.

Ce livre est presque un objet en fait, une sorte de recueil hybride que le travail de l’éditeur tend à construire, et où l’on compose et recompose à partir de notes et de fragments pris sur des feuillets plus ou moins complémentaires, des dossiers non achevés ou des diversions prises ci et là en marge d’un texte ou d’un roman. Mais puisque l'auteur en est Franz Kafka, on se précipite pour rééditer ces soi-disant trouvailles alors que parfois on reste sur l’impression d’un brouillon, c’est-à-dire quelque chose qui n’est pas destiné à la publication. N’est-il pas important de respecter le vœu d’un écrivain qui, d’une part ne voulait pas voir ses textes publiés après sa mort, et d’autre part subit par-delà sa disparition prématurée la publication de fragments qu’il avait lui-même hachurés sur le manuscrit ? Sur ces questions essentielles de la publication posthume, Milan Kundera tranche du côté de Kafka dans son essai admirable : Les Testaments trahis (1993).

Pour revenir au texte, on est estomaqué à la lecture par la violence de ses fragments, d’un désespoir latent, et dotés d’une analyse terrible sur l’Etre. Certes, Kafka se situe à la fin de sa vie au moment de la composition, mais il n’a alors pas 40 ans ! C’est pourtant un homme en deuil de lui-même que nous retrouvons ici ; il est tuberculeux et séjourne en 1917-18, dates probables de ces ébauches, à Zürau chez sa sœur, en République tchèque actuelle, dans une campagne bucolique, propice à la réflexion ; un écrivain qui sent la fin proche et qui revient aux fondamentaux : l’enfance avec son chien, la foule impatiente, l’espoir d’un monde céleste, la prise de position face aux éléments, la nostalgie d’un monde perdu, le chemin à suivre mais qui se trouve derrière, l’espoir un peu, surtout : l’acceptation de la vie…

Le recueil se compose donc essentiellement d’aphorismes, d’exemples à valeur morale, d’anecdotes «poétisées» (ou de poème en prose à la Baudelaire), de notations symboliques, de sentences brutales, ou encore d’historiettes allégoriques. Bref de petites maximes ! On assiste aussi à une sorte de mémoire où une tentative de bilan métaphysique est menée. Le désespoir nous assomme, semble nous dire l’écrivain, mais l’homme doit se porter bien droit. Une image de l’être fracassé par la vie certes, mais plutôt la doctrine d’un penseur à la fois lucide et halluciné comme en témoigne ce saisissant fragment : «Il y a des questions que nous ne pourrions pas surmonter si nous n’en étions par nature délivrés».

Enfin, un plaisir de lecture ; malgré son côté ici obscur, Kafka se révèle souvent très concret. Le temps qui passe, la destinée que l’auteur résume par «Ce chemin» que chacun emprunte et qui nous amène au jugement dernier, autrement dit à ''la cour martiale'' (fragment 40) ! Kafka livre des formules lapidaires pour tenter une approche certaine de la démesure (spatiale et temporelle). La force du texte repose précisément sur ce décalage entre forme brutale et courte (le fragment) et l’inévitable méditation qui doit en découler (la lente et longue réflexion).

Ces ''Aphorismes de Zürau'' auxquels se rajoutent d’autres pensées datant a priori de 1920, composent un recueil fragmentaire pour entrapercevoir l’univers noir et désespéré de Kafka qui plante en deux ou trois phrases un décor vif et pénétrant. Mais l’on subit comme lecteur, impuissant, une œuvre quelque peu remaniée – ou comment proposer en définitive au lecteur contemporain, et sous le joug d’une contradiction terrible, un Kafka anti-Kafka. Pour rebondir sur Kundera, nous dirons modestement que Franz Kafka a été, en littérature, la victime exemplaire de l’exécuteur testamentaire…


Jean-Laurent Glémin
( Mis en ligne le 17/02/2012 )
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