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Mortelles nouvelles
Guy de Maupassant   Contes sur le suicide
Allia - Petite collection 2015 /  6,50 € - 42.58 ffr. / 122 pages
ISBN : 978-2-84485-874-0
FORMAT : 10,4 cm × 17,0 cm
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Guy de Maupassant (1850-1893) fait partie de notre patrimoine littéraire. Un monument, qu’on a trop souvent placé derrière Balzac, Flaubert et Zola, alors qu’il devrait caracoler au même rang des génies de son temps. Quelques chef d’œuvres Une vie (1883), Bel-Ami (1885), Pierre et Jean (1887), Fort comme la mort (1889), Notre cœur (1890), sans compter ses nombreuses nouvelles publiées sous forme de recueils.

Il meurt à 42 ans après une tentative de suicide qui lui vaut d’être interné jusqu’à sa mort après 18 mois d’inconscience… Et c’est justement de suicide dont il est question dans cette anthologie publiée par les éditions Allia.
Une vie tragique donc que celle de cet écrivain, ici reflétée par des écrits qui ne le sont pas moins. En réunissant huit nouvelles brutales et tragiques, écrites de 1882 à 1890 et axées autour du suicide et de la mort, Eva Yampolsky insiste dans ce petit ouvrage sur le caractère clairement pessimiste et noir de l'auteur.

Un homme visite une agence pour le suicide, un employé à la vie monotone décide de mettre fin à ses jours, un aveugle est humilié et finit par se tuer, une femme inconsolable est dévorée par des loups, un autre employé ne supporte pas non plus sa condition, un prêtre défroqué tue son fils avant de se donner la mort, un père de famille esseulé se pend ; enfin, et c’est peut-être la nouvelle la plus ironique, un vicomte provoquant un duel finit par y renoncer en se suicidant !

Âme fragile, s’abstenir ! Car en commençant chaque nouvelle, le lecteur sait que le personnage principal ne s’en sortira pas ; pire, qu’il se donnera la mort devant l’inextricable situation dans laquelle Maupassant l’a mis. Mais l’acte de se supprimer n’est-il pas l’ultime recours à sa propre liberté ? «Le suicide ! mais c’est la force de ceux qui n’en ont plus, c’est l’espoir de ceux qui ne croient plus, c’est le sublime courage des vaincus ! Oui il y a au moins une porte à cette vie, nous pouvons toujours l’ouvrir et passer de l’autre côté. La nature a eu un mouvement de pitié ; elle ne nous a pas emprisonnés. Merci pour les désespérés !», écrit Maupassant dans L’Endormeuse.

Maupassant semble nous dire que ce sont des facteurs extérieurs qui viennent pousser un être au suicide : quand ce n’est pas un suicide de libération (pour les êtres torturés), c’est un suicide de lucidité (pour les antihéros brisés par une histoire douloureuse) mais aussi de désespoir. Maupassant n’est pas le spécialiste de la mort délibérée, mais plutôt de ce qui la précède. Ces petits détails funestes, cet œil de lynx les analyse, passant au couperet ces tragédies intimes, l’absurdité d’être dans une destinée vaine, la solitude également qui écrase à petit feux les gens qui ne vivent que pour revivre la même chose le lendemain, les regrets et les souvenirs qui vous poussent à l’abîme.

Maupassant, écrivain à la fois réaliste et, pourrait-on dire, gothique, imagine des histoires cruelles, violentes, parfois même scabreuses (avec une évidente référence à Sade dans Le Champ d’Oliviers) ; il s’immisce dans l’intériorité de ses personnages en souffrance, déjà consumés par une existence peu reluisante. Pas de pathos néanmoins dans ces nouvelles soutenues par un style à la fois précis et imagé. Comme dans Un lâche, où, provoquant un duel de manière faussement héroïque, un vicomte se met à anticiper sa propre mort, en se documentant sur le tireur, en se voyant déjà mis en bière, et du coup en prenant une peur bleue de perdre. Programmé, le duel ne peut être annulé et il décide de se suicider plutôt que de compter sur une éventuelle chance d’en réchapper ou de voir sa réputation brisée !

Nous ne saurions trop conseiller la lecture de cette anthologie qui montre à quel point Maupassant savait pénétrer l’âme humaine avec un arsenal stylistique adéquat, et nous alerter sur nos existences et la vie des petites gens, ceux auxquels seuls les artistes prennent le temps de s’intéresser, fût-ce pour décrire le pire.

Il faut toujours revenir à Maupassant, écrivain sensible et radical, qui remet au centre des débats les enjeux, les drames et les absurdités d’une existence souvent tragique et vaine.


Jean-Laurent Glémin
( Mis en ligne le 23/01/2015 )
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