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Littérature  ->  Classique  
 

Un fasciste au bal masqué
Pierre Drieu La Rochelle   Le Faux Belge
Pierre-Guillaume de Roux 2020 /  16,50 € - 108.08 ffr. / 300 pages
ISBN : 978-2-36371-330-8
FORMAT : 12,3 cm × 19,5 cm

Edition établie par Jean-Baptiste Baronian et Frédéric Saenen.
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Il y a des chapitres de roman qu’il faudrait lire comme des nouvelles. Quand en plus la nouvelle précède le roman, c’est un objet pour les amateurs de curiosité littéraire. Tel est le cas d’une nouvelle de Pierre Drieu la Rochelle (1893-1945), Le Faux Belge, absente du volume de la «Bibliothèque de la Pléiade» de 2012, qui vient d’être éditée chez Pierre-Guillaume de Roux. Parue en trois livraisons dans l’hebdomadaire Gringoire, entre le 31 août et le 14 septembre 1939, elle constitue la première mouture de l’épilogue de Gilles.

Comme l’indique de façon plaisante la quatrième de couverture, l’édition a été établie par deux vrais Belges : Jean-Baptiste Baronian et Frédéric Saenen, auteur de Drieu la Rochelle face à son œuvre (2015), qui signe un «prologue à un épilogue» informé par sa fine connaissance du Journal de Drieu. Les notes de bas de page signalent des variantes ou des comparaisons par rapport à l’édition du roman dans l’édition de la Pléiade.

Forcément, on ne peut s’empêcher de lire cette nouvelle comme une fin alternative du roman. Dans ce dernier, Gilles, le héros fasciste, se retrouve dans la ville de Burgos assiégée par les républicains pendant la guerre civile espagnole, et meurt les armes à la main, mort édifiante bien faite pour renforcer le côté «roman à thèse» du livre. Pourtant, cette étiquette dégradante dispense malheureusement trop souvent de le lire ; un des mérites du Faux Belge est de nuancer cet aspect en invitant à lire l’épilogue de façon autonome.

Ce faisant, on s’aperçoit qu’il y a quelque chose de très «carnavalesque», pour parler avec Bakhtine, dans ce récit où les troubles de la guerre confinent les personnages à un jeu de dupe permanent. Ainsi lorsque Walter (alter ego de Gilles, lui-même un double de Drieu), fasciste français qui se fait passer pour un socialiste belge en vacances à Barcelone, prend par erreur un avion pour les Baléares et se retrouve avec deux communistes, il se sent «la liberté du troisième clown qui arrive au milieu du cirque». Quand ce petit monde se voit contraint d’atterrir à Ibiza, dans l’incertitude quant à la situation politique de l’île, Walter propose un pacte aux autres passagers : «Si nous arrivons dans un patelin blanc [id est «franquiste»]
, je vous prends en charge. Voulez-vous me rendre la pareille, en cas inverse ?». L’île étant aux mains des républicains, Walter bénéficie de la protection de Cohen, un communiste juif. La survie commande la suspension des appartenances qui se font temporairement interchangeables. La situation se renverse bientôt : comme les forces franquistes investissent l’île, Walter, qui estime que le pacte tient toujours, croise Cohen «vaguement déguisé en Espagnol» et reste «bouche bée comme s’il était encore tout à fait novice dans cette vaste circulation masquée qui couvrait l’Europe et le monde».

Le Faux Belge s’avère cohérent avec la vie de Drieu dont l’antisémitisme verbal fut nuancé par les actes (nommé directeur de la NRF par Otto Abetz sous l’Occupation, il intervint en faveur de son ex-femme juive, Colette Jéramec). Même le fascisme de Walter qui se demande à un moment s’il n’aimerait pas mieux être «à Paris tranquille dans un fauteuil au cinéma» sent le dilettantisme et résonne avec le dandysme de Drieu qui prend sa source dans son inadaptation (celle de beaucoup d’anciens combattants de sa génération, cf. Aurélien d’Aragon) à la vie en temps de paix.

Son être inadapté est peut-être le côté par lequel ce grand antimoderne reste notre contemporain.


Alexandre Lansmans
( Mis en ligne le 16/03/2020 )
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