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Littérature  ->  Poésie & théâtre  
 

Émondeurs de leur vie
André Breton   Paul Eluard   L’Immaculée Conception
Seghers - Poésie d'abord 2011 /  12 € - 78.6 ffr. / 108 pages
ISBN : 978-2-232-12327-6
FORMAT : 13,2cm x 19,9cm
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«Écris l’impérissable sur le sable»

On connaît la définition que donna André Breton au terme Surréalisme dans son premier manifeste en 1924 : «Nom masculin. Automatisme psychique pur par lequel on se propose d’exprimer, soit verbalement, soit par écrit, soit de toute autre manière, le fonctionnement réel de la pensée. Dictée de la pensée, en l’absence de tout contrôle exercé par la raison, en dehors de toute préoccupation esthétique ou morale». Le mouvement surréaliste, comme toute école de pensée, se réclamait aussi de courants plus anciens - le romantisme franco-allemand, le symbolisme -, et de grands précurseurs : Baudelaire, Rimbaud, Lautréamont (réédité en 1927 par Soupault), Apollinaire, Jarry...

L'année 1930, avec L’Immaculé Conception, marque une rupture claire par laquelle on passe à la seconde phase du surréalisme, à la suite d'une multitude de textes essentiels dont Aragon, Péret, Crevel, Eluard et Breton seront les grands représentants. Car ce début de décennie amène quelques bouleversements par rapport à la précédente : des exclusions comme celle de Philippe Soupault, auteur avec Breton du premier texte surréaliste officiel, Les Champs magnétiques (1919), la fin de La Révolution surréaliste, la revue du groupe, la création du Surréalisme au service de la révolution, la publication du texte Un cadavre, écrit par d’anciens surréalistes voulant définitivement épingler Breton, et surtout la publication du Second Manifeste du Surréalisme.

Comme souvent chez ce groupe, les textes sont communs et les styles volontairement imbriqués, ce qui confère aux surréalistes, il faut le dire, un caractère à la fois libre, amical et modeste ; rares sont les écrivains qui signent une œuvre singulière de leurs deux noms respectifs en mélangeant volontairement leurs plumes. De grands recueils poétiques ont ainsi vu le jour au sein de ce mouvement de la jeunesse, de la passion et de l’irrévérence : Les Champs magnétiques furent composés à deux mains, sans que – déjà - on ne distingue les proses de chacun. L’Immaculé conception, œuvre en prose et non plus en vers, participe de cet élan à la fois révolutionnaire et poétique. Breton explique sa démarche dans ses Entretiens de 1952 : «Il y va, en effet, ici encore, de l’"objectivation critique et systématique des associations et interprétations délirantes". D’où la part importante faite, dans ce livre, à la simulation verbale de diverses "folies qu’on enferme". Nous partions de l’ensemble des symptômes qui permettent de cataloguer la maladie – disons par exemple, pour ma manie aiguë, de la fuite des idées associées à la volubilité, à l’euphorie, à l’érotomanie, et ainsi de suite. […] A travers le préambule de ma main qui ouvre le chapitre intitulé "Les Possessions", on découvre sans peine que la préoccupation majeure est de réduire l’antinomie de la raison et de la déraison, qui, parmi d’autres, a été une des ambitions permanente du surréalisme».

L’Immaculé Conception répond donc fidèlement aux engagements poétiques du Surréalisme depuis sa création (rappelons que le terme est employé pour la première fois chez Apollinaire). Écriture à deux mains, décharge de merveilleux, collages divers, rêveries ésotériques, impulsions métaphoriques, humour noir, célébration de l’amour fou, méprise de la raison, écriture automatique (bien que certains manuscrits soient raturés…), plagiat ironique, provocations langagières, irrévérences métriques, anarchisme infantile, jeu facile de langage... Bref, on nage en pleine cosmogonie de l’esthétique surréaliste. L’idée y est moins interprétative que symbolique ; la prose poétique surréaliste est une propagation littéraire du merveilleux au quotidien tel que Breton tenta de la définir dans Nadja (1928).

On peut s’amuser et s'essayer à distinguer Eluard de Breton, le premier restant plus ancré dans la poésie amoureuse traditionnelle (Eluard choisira d'ailleurs la poésie officielle engagée lors de sa rupture définitive avec Breton, à cause d’une brouille assez curieuse en 1938), le second se trahissant grâce à ses automatismes psychiques usuels, comme le champ lexical, parfois, le laisse apparaître. Un fac-similé intégré en exergue permet de voir les deux écritures se suivre et se chevaucher, permettant de reconnaître les deux écrivains, ici démasqués par leur calligraphie. On aurait aimé, même si l’exercice précis de ce recueil ne s’y prête en rien, lire L’Immaculé conception directement sur le manuscrit réimprimé !

Rappelons le mot de Lautréamont sur la beauté de cette création poétique : «Beau comme [...] la rencontre fortuite, sur une table de dissection d'une machine à coudre et d'un parapluie». L’Immaculé Conception, un titre religieux évidemment provocateur, même s’il se rapporte à la création poétique, est une œuvre qui épargne le délire verbale au profit d’un texte poétique évidemment profond. Le Surréalisme, et cette œuvre en témoigne, a voulu porter l’image poétique à son paroxysme pour dire le réel et effacer les barrières de l’inconscient, de la morale et de l’amour bourgeois. Ce texte à deux voix et aux multiples voies d'interprétation en est une nouvelle incarnation en cette année 1930 sujette à maints bouleversements littéraires.

Pour certains, le texte surréaliste se réduit à des joutes verbales immatures et gratuites quand d’autres y voient un prolongement romantique vers une double esthétique : celle de la révolution ; celle du langage et de la conscience. «L’amour réciproque, le seul qui saurait nous occuper ici, est celui qui met en jeu l’inhabitude dans la pratique, l’imagination dans le poncif, la foi dans le doute, la perception de l’objet intérieur dans l’objet extérieur. Il implique le baiser, l’étreinte, le problème et l’issue indéfiniment problématique du problème».


Jean-Laurent Glémin
( Mis en ligne le 14/03/2011 )
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