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Littérature  ->  Poésie & théâtre  
 

Une impossible renaissance
Gilles Granouillet   Vesna - suivi de La Maman du petit soldat
Actes Sud - Actes Sud - Papiers 2007 /  15 € - 98.25 ffr. / 80 pages
ISBN : 978-2-7427-7157-8
FORMAT : 15,0cm x 20,5cm
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Dans ces deux pièces, sans lien direct apparent, l'auteur, Gilles Granouillet, semble s'être penché sur l'émotion et la douleur en littérature. Toutes deux tentent d'expérimenter les effets d’un désastre social et familial, tels qu'ils s'expriment chez les petites gens pris dans l'étau des tragédies historiques.

Vesna plonge le lecteur dans le quotidien d'une famille brisée par l'explosion thermique du réacteur 4, survenue dans la centrale nucléaire Lénine le 26 avril 1986. Rostia, pompier d'une vingtaine d'années, appelé en urgence pour aller combattre l'incendie qui s'était propagé dans la centrale, dut quitter précipitamment son propre mariage avec Olia. Brûlé, il ne devait pas survivre, mais sa femme, assommée par la douleur et la folie, eut le temps, dans un ultime sursaut de survie, de lui faire un enfant alors qu'il agonisait dans sa chambre d'hôpital! 20 ans ont passé, et elle gagne désormais sa vie avec Pavel, ex-partenaire de Rostia, qui n'avait pu se rendre sur les lieux à l'époque, et amoureux transi d'Olia, en faisant visiter aux touristes étrangers l'ancienne centrale nucléaire. Mais Pavel, ne supportant plus sa lâcheté d'antan et son patron Petro qui les fait revivre chaque jour leur propre drame, décide d'accomplir son destin.

La seconde pièce, La Maman du petit soldat, met en scène les retrouvailles plus ou moins fantasmées d'un fils et de sa mère durant un conflit. Devenu soldat, un fils pénètre dans son ancien logis, recherchant un ou plusieurs hommes qu'elle hébergerait. S'instaure alors un dialogue fou entre la mère, sa fille (restée à la maison) et le fils. Incompréhension, décalage de générations, incommunicabilité, violence des propos, vengeance secrète vont structurer la pièce de bout en bout. Jusqu'au chaos final.

Si les deux intrigues sont assez lointaines dans les deux pièces, les thèmes eux sont bien proches. Des gens ordinaires sont pris au piège de l'histoire qui les dépasse totalement. Catastrophe écologique pour la première, guerre civile pour la deuxième, ces personnages sont broyés par la violence du monde moderne. S'ils sont à la recherche d'un salut plutôt traditionnel (recherche du bonheur, importance de la famille, du travail), ils échouent face à la toute puissance du système dans lequel il tente de survivre (système économique dans Vesna et politique dans La Maman du petit soldat). C'est à partir de ce postulat de départ que les personnages décrits dans le livre vont se déchirer entre eux (Pavel et Petro/ Le fils et la fille).

Les deux pièces sont clairement inégales, si la première est bien vue, la seconde manque de souffle. Les répétitions trop nombreuses, le cadre atemporel et les «jérémiades» permanentes des personnages finissent par lasser. Encore faut-il être clair pour dévoiler l'horreur et la douleur qui pèsent sur une famille décimée par la guerre. En revanche, l'esprit de la Russie des années 80 à aujourd'hui est restitué avec application dans la première pièce. Le libéralisme ignoble pour lequel toute récupération est possible, s'immisçant dans les gravas de Tchernobyl pour en faire un site touristique mené de mains de maîtres par les anciens acteurs passifs de la catastrophe est bien montré. Les personnages, en souffrance, sont abandonnés au destin tragique de l'usine et du pays tout entier laissé à l’abandon. Granouillet tente de montrer comment, en 20 ans, un pays comme la Russie, rattrapé par le capitalisme, n'a pas changé d'âme mais souffre de cette situation post-communiste inextricable.

Ancré dans les problèmes sociaux et réalistes de ce début de siècle, ce style de théâtre insiste sur la solitude (le délaissement, l’abandon, la fin de toute structure fiable) des gens totalement asservis par un pouvoir en place (d'ailleurs invisible dans la pièce), en proie à leurs cauchemars et dont la réalité finit par les rattraper. Une vision solide sur la noirceur de notre époque, peut-être trop marquée par un style parfois un peu pathos ou complaisant. Les victimes directes et indirectes ne sont pas sorties du drame de Tchernobyl ou des guerres récentes qui jalonnent l'histoire de la Russie depuis de trop longues années (D'ailleurs un court passage indique que la fille née de l'union fugace du couple souffre d'une maladie directement liée au rejets radioactifs de l'usine.), vivant avec eux comme une poisse qui ne les quittera jamais...


Jean-Laurent Glémin
( Mis en ligne le 22/11/2007 )
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