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Littérature -> Littérature Américaine |
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Dissection d’une disparition… | | | Stewart O'Nan Chanson pour l’absente L'Olivier 2010 / 23 € - 150.65 ffr. / 375 pages ISBN : 978-2-87929-690-6 FORMAT : 14,5cm x 22cm
Traduction de Jean Lineker Imprimer
Dans son nouveau roman, Stewart ONan nous détaille la lente déliquescence dune bourgade américaine tout ce quil y a de plus moyenne («Kingsville», y a-t-il un nom plus banal pour une ville des USA ?), après la disparition mystérieuse et inexpliquée dune adolescente, Kim, durant lété de ses 18 ans.
Dans leurs moindres détails, tous les gestes, toutes les réactions de lentourage immédiat de Kim sont analysés, disséqués : le dispositif policier, qui semble aussi inefficace quopaque aux yeux de la famille, la jeune sur qui ne veut en aucun cas mêler son désarroi réel aux manifestations outrancières de ses parents, le petit ami qui se rend peu à peu compte de la place quoccupait Kim dans sa vie et dans son cur, les deux amies qui semblent percées dun trou béant par cette disparition, enfin les parents : le père qui alterne moments de déprime, avec lenvie de tout envoyer en lair, et moments dhyper activité où il se dépense sans compter mais hélas sans résultat - pour retrouver la moindre trace de sa fille ; la mère, organisatrice-née, qui va dans cette tragédie exploiter à fond ses capacités de «chef dopération» quasiment militaire : se succèdent des émissions de TV où les parents se relaient pour passer des messages pathétiques au supposé ravisseur de leur fille, des rassemblements surfaits censés rappeler la disparue à la mémoire de ceux qui restent, des battues dans les environs de la ville, doù la véritable armée réquisitionnée pour loccasion revient bredouille.
Et puis il y a lenvers du décor : la curiosité souvent malsaine circulant sur Internet, la mère qui sombre dans lalcool et les somnifères, la sur qui sisole peu à peu du reste du monde et en particulier de ses parents, le petit copain qui se console avec une des meilleures amies de Kim, le père qui plus que tout voudrait que cette affaire se termine, dune façon ou dune autre. Les mois passent, rythmés par les saisons ; laffaire quitte peu à peu la une des journaux, quelques indices donnent de faux espoirs, cest aussi le premier Noël sans Kim, la résignation arrive pour tout le monde, jusquà la vérité, presque banale.
Lauteur, qui a gardé de son passé dingénieur un sens du détail quasi scientifique, dissèque jusquà la trace la plus infime le long cheminement de chacun vers lacceptation de la situation ; les points de vue alternent, chacun des proches se replie sur la pensée et le souvenir quil souhaite garder de Kim, sans véritablement échanger avec lautre, comme si ce chemin vers le découragement ne pouvait saccomplir que seul. Onan nous détaille aussi l'Amérique fantomatique des pavillons sans âme, des pelouses trop parfaites, des motels tellement anonymes, des petites villes effrayées par un drame qui bouleverse le train-train de leurs habitants. Ni pathos ni complaisance dans son style, les émotions sont dans les détails, mais aussi dans la banalité des réactions de chacun, où le lecteur peut se reconnaître à chaque page. On regrettera peut-être quelques longueurs dans le détail de certaines scènes. Ce bémol mis à part, la lecture de cet ouvrage est fortement conseillée !
«Il suivit la même route quelle, dépassa les mêmes sorties, les mêmes aires de repos, les mêmes panneaux publicitaires, prit la même dangereuse rocade pour éviter le centre de Cleveland, en se demandant si, sur cette partie du trajet, elle était encore dans la voiture. LI-90 coupait le Nord de lEtat, une ligne droite très fréquentée, notamment par des poids lourds. Il se souvint des théories sur un tueur en série laissées dans le livre dor et comprit quil ne pouvait plus les éluder, ne fût-ce que parce quil suivait la route».
Stewart O'Nan est né en 1967 à Pittsburgh, il vit à Avon (Connecticut). Après une première vie dingénieur, une deuxième denseignant, il se consacre maintenant à plein temps à lécriture. Il a écrit sur les guerres du Vietnam (Le Nom des morts, 1999), du Pacifique (Un monde ailleurs, 2000) de Sécession (Un mal qui répand la terreur, 2001) ; il est salué comme un des romanciers américains les plus originaux.
Michel Pierre ( Mis en ligne le 20/08/2010 ) Imprimer
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