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L’écriture blanche des souvenirs
Gwen Edelman   Le Train pour Varsovie
Belfond 2016 /  17 € - 111.35 ffr. / 183 pages
ISBN : 978-2-7144-5953-4
FORMAT : 14,1 cm × 22,6 cm

Sarah Tardy (Traducteur)
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Quatorze ans après Dernier refuge avant la nuit qui avait obtenu le prix du Premier Roman étranger, Gwen Eldelman conjugue à nouveau dans une fiction ses thèmes de prédilection : la guerre, l’Holocauste et l’amour.

Un couple de Juifs polonais, Lilka et Jascha, retournent pour la première fois depuis quarante ans à Varsovie. Ils se sont connus dans le ghetto, ont échappé à la déportation et vivent désormais à Londres. Jascha, sous le pseudonyme de Jan Kroll, est devenu un auteur à succès. Il est invité par la Maison des Écrivains de Varsovie qui souhaite «fêter le retour d’un écrivain aussi estimé». Mais Jascha et Lilka font-ils vraiment partie de cette Varsovie-là qui, quarante ans plus tôt, feignait d’ignorer la présence du ghetto et de ses habitants, cette Varsovie qui représentait l’«Autre-Côté» pour les Juifs prisonniers de ce quartier dans des conditions inhumaines. Cette Varsovie a courte mémoire et réagit assez violemment à la lecture que fait Jascha d’un extrait de son livre-témoignage, La Descente, manuscrit écrit après son évasion sur du papier de boucher.

Le roman débute comme une histoire d’amour entre «elle» et «il», et il s’agit bien d’amour pour ce couple uni dont les voix, dans un style feutré très particulier, semblent se mêler, parfois se confondre jusqu’à n’en faire plus qu’une dans l’évocation des souvenirs de cet autre temps et de cet autre monde. Ce voyage d’un retour espéré ou fantasmé vers un lieu qu’ils ne connaissent plus et vers un passé qui leur colle à la peau et qu’ils tentent d’exorciser, suit le rythme régulier d’un train traversant une Europe recouverte d’un manteau de neige.

Ce train glacial, que Jascha appelle le «Siberia express», devient l’image inversée des trains de déportés dans la chaleur de l’été 42. Il s’élance à rebours du temps vers une traversée du miroir dont le passage symbolique est la frontière polonaise. Au fur et à mesure des kilomètres, dans l’espace clos du wagon, entre verres de vodka et cigarettes, les personnages nous livrent des bribes de leur histoire : leur rencontre dans le ghetto où Jascha trafiquait toutes sortes de denrées provenant de «l’Autre Côté» et où Lilka, issue d’une famille bourgeoise déchue par les lois antisémites, était devenue infirmière.

L’arrivée à Varsovie a lieu la nuit, sous la neige, et le couple ne reconnaît rien. Si Jasha reste cynique quant aux retrouvailles avec son passé, Lilka espère encore saisir des bribes de sa ville et des reflets de sa vie d’avant la chute. Mais Varsovie, détruite puis reconstruite sous le régime communiste, se laissera à peine entrevoir. Les rues ont changé de nom. Seuls les jardins de Saxe rappellent les souvenirs heureux de l’enfance, vite balayés par l’horreur du ghetto.

Du wagon à la chambre d’hôtel, le voyage de reconnaissance prend la forme d’un nouvel enfermement. Et puis, à l’image de ce labyrinthe qu’est devenue cette ville, certains souvenirs enfouis vont resurgir. Varsovie agit comme un révélateur et va délier la mémoire de tous les non dits de cette période infernale. «Sommes-nous revenus ici pour rouvrir toutes nos vieilles blessures ? demande Jasha. Pour empoisonner notre relation ?»... Il est temps de dire enfin adieu à Varsovie, cette ville «qui était la plus belle de toutes les villes» mais qui n’est plus que l’ombre de ce qu’elle était pour Lilka. Le train qui les ramènera vers Londres n’est qu’un autre train de l’exil. Plus de lieu à soi pour ces survivants. Sont-ils parvenus à faire le deuil de leur passé ?...

C’est avec une écriture ouatée et intimiste que l’auteure a choisi d’évoquer une histoire du ghetto de Varsovie. Et, bien sûr, la question se pose : la fiction peut-elle s’emparer impunément de l’Holocauste ? Et quel style ou quelle écriture peut prétendre à l’évocation de l’horreur ? Gwen Edelman, qui a effectué d’énormes recherches sur le ghetto de Varsovie, insiste sur l’importance que représente le devoir de mémoire, mais dit aussi avoir obtenu l’aval de certains de ses amis survivants. Ce roman est d’ailleurs dédié à Jokov Lind, écrivain, peintre et dramaturge Juif autrichien qui a lui même, dans ses œuvres, témoigné de l’horreur et de la folie du nazisme.


Sylvie Koneski
( Mis en ligne le 01/06/2016 )
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