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La Prose en proue
Entretien avec Jess Walter - (La Vie financière des poètes, 10/18, Avril 2011)


- Jess Walter, La Vie financière des poètes, 10/18, Avril 2011, 305 p., 18 €, ISBN : 978-2-264-05209-4
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Parutions.com : Vous avez écrit de la fiction, de la non-fiction et des nouvelles. Avez-vous une préférence ?

Jess Walter : Quand j'étais reporter pour un journal, je me considérais comme écrivain. Ce que j'aimais dans le journalisme, c'était cette écriture en direction d'un sujet, et le fait d'écrire à chaque fois sur quelque chose de différent. A l'université, j'avais une double spécialisation en écriture créative et journalisme, ce qui de toute évidence est très différent. Mais au final les ficelles sont les mêmes et le processus aussi. Peu importe ce sur quoi vous écrivez, l'écriture dans son élaboration est la même. J'aime surtout lire des romans, et donc j'aime avant tout en écrire. Tout le reste découle de cela et dépend de mon degré d'implication dans un genre. J'aime lire de bonnes fictions, bien roboratives, ou des non-fictions de type journalistique ou bien narratif. Pour moi, Joan Didion a la voix la plus claire et la plus percutante comme écrivain. Elle fait partie du panthéon des sept ou huit écrivains que j'adore. Elle y tient pour moi la place d'Héra. J'ai aussi toujours aimé le travail de Gay Talese. Il y a tellement de bon auteurs de non fiction, comme T.J. English par exemple. Mais la fiction reste mon premier amour.

Parutions.com : Quand vous étiez journaliste, vous arrivait-il d'écrire de la fiction ?

Jess Walter : Oui, en effet. Comme journaliste, je couvrais beaucoup de crimes et de sectes néo-nazies. C'est là que vous vous faites la main comme reporter et, bien que cela ne requérait pas les plus fines prouesses journalistiques, il y avait toujours un vrai apport d'adrénaline. C'est le type de reportage que j'aimais faire. J'ai toujours voulu composer moi-même une sorte de version de De sang-froid (Truman Capote NDLR) : un morceau de narration non-fictive centrée sur une sorte de crime. J'aimais beaucoup aussi Le Chant du bourreau (Norman Mailer NDLR). Il s'agit de fictions construites sur le conflit. Mon premier livre était sur Ruby Ridge, un lieu renommé pour sa pègre et ses règlements de compte dans le nord de l'Idaho. Avec ce livre, je me suis véritablement rodé à la construction des scènes et à la narration. En même temps, l'objectivité et la précision du journalisme sont quelque chose qui me tient beaucoup à cœur. J'ai également écrit des nouvelles, la nuit le plus souvent, en dehors du travail, et je les envoyais à des magazines... qui me les refusaient. C'était dur. J'appelais ces envois des boomerangs à la vanille parce que j'envoyais mes manuscrits dans des enveloppes vanille, et six semaines après, elles me revenaient !

Parutions.com : Aimez-vous le format de la nouvelle ?

Jess Walter : Oui, vraiment. J'ai publié un grand nombre de nouvelles, pour ESPN, Playboy et quelques journaux. Je viens de terminer un roman mais mon prochain ouvrage sera un recueil de nouvelles. J'écris aussi des scripts pour le cinéma, de la poésie, des critiques et des essais. J'ai tout écrit jusqu'à présent, à l'exception d'une note de suicide. C'est mon exception, et j'y tiens !

Parutions.com : Vous avez réussi à créer des personnages très convaincants, complexes, réels, riches de leurs défauts. Dans quelle mesure ces personnages vous viennent-ils de la vraie vie ?

Jess Walter : Ils viennent assurément de là. Les gens ont quand même tendance à considérer que mes personnages sont plus autobiographiques que je ne le crois. La vérité est sans doute au milieu, quelque part entre le fait que je me défende de cela par amour propre, et qu'ils lisent trop entre les lignes. Je travaille pour un journal comme Matt et je suis marié comme lui. En surface, beaucoup de détails sont similaires mais, plus en profondeur, les choses sont plus éloignées de moi et d'où j'en suis dans ma vie aujourd'hui. Mais, oui, on s'inspire toujours de sa vie quand on écrit. A l'écriture, cependant, ces personnages semblent vraiment exister à part entière, vivre dans leur propre monde.

Parutions.com : Quel est votre rapport avec vos personnages ?

Jess Walter : La relation est importante. Je me sens responsable d'eux. Quelqu'un a demandé un jour à Marylin Robinson si l'un de ses personnages était elle-même et elle a répondu que oui, bien sûr, tous ses personnages lui ressemblaient. Car même si l'on se concentre sur le personnage principal, au final, tous les acteurs d'un roman font écho à soi-même et son propre vécu.

Parutions.com : L'un de vos personnages ici est une femme. Est-ce facile pour vous de construire des personnages féminins ?

Jess Walter : Mon nouveau roman est en fait centré sur un femme, et je ne considère par cela comme difficile. Ce que je remarque, c'est que tous mes personnages féminins ont tendance à tomber amoureuses d'hommes comme moi. Je crois que je prends mes rêves pour des réalités ! Quand vous écrivez, vous êtes un peu comme un acteur qui revêt les habits de chacun des personnages tout en traitant des faits universels, des peurs, des désirs, des envies... Je ne me vois pas par contre écrire sur une femme qui attendrait un bébé. Mais tout est question de pratique. J'avais un professeur d'écriture qui donnait à la classe pour exercice d'écrire du point de vue le plus opposé de soi-même. Alors, j'ai écris sur une quadra qui adore faire du VTT et est sur le point de subir une hystérectomie !

Parutions.com : Comment êtes-vous devenu écrivain ?

Jess Walter : J'ai toujours voulu l'être. J'ai toujours eu en moi à la fois cet élément introspectif et la volonté de communiquer avec le reste du monde. J'adore écrire, assembler des phrases et créer les effets que j'aime lire dans les livres. Je me souviens, enfant, entrer dans une bibliothèque et chercher où mes propres livres pourraient se trouver. J'imaginais mes livres posés là.

Parutions.com : Qu'entendez-vous par effets que vous aimez trouver dans un livre ?

Jess Walter : Je veux parler des effets que peuvent produire un magicien, un peintre ou un musicien : provoquer chez l'autre l'émotion, la peur ; je veux surtout les captiver, les saisir.

Parutions.com : Parler-nous de votre processus d'écriture. Vous arrive-t-il d'avoir la panne de l'écrivain ?

Jess Walter : Non, pas de peur de la page blanche à déclarer. C'est l'avantage d'avoir été formé comme journaliste. Et puis, je viens d'un milieu plutôt ouvrier où ce type de blocage est considéré comme un échec dans l'éthique de travail. C'est une autre des raisons pour lesquelles j'écris dans des genres si variés. Je ne suis jamais paralysé. J'ai toujours une main sur le boitier de vitesses. Parfois, quand je suis coincé sur un travail, je me mets alors sur autre chose. Je travaille tout le temps.

Parutions.com : Quels auteurs vous ont inspiré ?

Jess Walter : Kurt Vonegut, Ernest Hemingway, Gabriel Garcia Marquez. Et j'ai aussi eu une phase où j'ai adoré la méta-fiction et le modernisme avec Virginia Woolf.

Parutions.com : Dans le présent ouvrage, vous avez inclus les poèmes de Matthew et vous faites beaucoup de références aux poètes tels qu'Elizabeth Bishop. Aimez-vous son travail ?

Jess Walter : Oui ! Mais je voulais que Matt ne soit pas un bon poète. J'ai essayé d'en faire l'étudiant en poésie que j'ai été. Et il y a comme cela une quinzaine de petites allusions poétiques dans le livre, comme Frost. J'aime aussi Wallace Stevens, James Tate, et Elizabeth Bishop en effet. Mais au final, je n'ai pas fait de Matt un grand poète.

Parutions.com : Aimeriez-vous que votre propre poésie soit un jour publiée ?

Jess Walter : Oui, et c'est même arrivé avant qu'un éditeur ne l'envisage ! Deux des poètes de Matt sont en fait mes propres créations. Le premier sur la mère qui porte des strings et le second est sur son père, qui est en fait le mien. Il évoque la tabagie de son père. Mais je suis plutôt un auteur de prose. La poésie ne me sert que comme outil de travail du langage et des métaphores. J'aime l'idée d'avoir ma propre forme d'écriture.

Parutions.com : Certains considèrent Matt comme un quidam. Êtes-vous d'accord avec cela ?

Jess Walter : Oui. Je ne donne par exemple aucun nom de ville dans le livre et je visais cette universalité. Quand je me suis rendu compte que ce roman serait sur la crise économique, j'ai voulu que l'intrigue dépasse ce seul personnage.

Parutions.com : Vous avez écrit les adaptations sur écran de vos livres. En quoi cette écriture se distingue-t-elle des autres ?

Jess Walter : Le cinéma et la télévision sont à présent dans notre ADN. Vous n'avez qu'à fermer les yeux et décrire ce que les caméras voient. Je dirais donc que c'est une forme d'écriture très ''naturelle'' aujourd'hui. Mais c'est aussi celle qui me satisfait le moins. Car, selon moi, la plupart des films, aujourd'hui, sont de la m***. On y perd la subtilité et le pouvoir d'immersion d'un roman. Quand on lit un roman, on le joue aussi. Comme écrivain, c'est comme composer une partition de musique que quelqu'un d'autre prendra ensuite et jouera. Il recrée tous les personnages dans sa tête. En lisant, vous vous immergez durant un laps de temps, vous êtes lié à l'auteur et ses personnages. Les gens viennent vers moi pour me parler de mes livres et il me semble parfois qu'ils en ont une vision plus enthousiaste et fraîche que la mienne.

Parutions.com : Vous faites références à de nombreux éléments de la culture contemporaine (Facebook, Wikipedia, la Radio publique américaine) et aux impacts de la crise économique. N'avez-vous pas peur qu'à terme cela ne date votre roman ?

Jess Walter : Oui. J'ai écrit sur tout cela car c'est ce qui m'entoure et je voulais que le roman donne cette impression d'immédiateté. Le danger est donc présent que cet effet ne s'émousse avec le temps, mais cela ne m'inquiète pas. Je crois que beaucoup de grands romans auxquels nous nous identifions sont à la fois marqués par leur époque et porteurs de thèmes universels.

Parutions.com : Sur quoi travaillez-vous en ce moment ?

Jess Walter : Je suis sur un premier jet qui s'appelle Beautiful Ruins (La Beauté des ruines) et qui pourrait être publié cette année. C'est une grande épopée amoureuse, à travers plusieurs générations. Un roman à la fois sombre et drôle. J'essaye de ne pas trop me répéter mais je crois que tous mes livres partagent une même humeur.

Parutions.com : Merci.


Entretien mené en anglais par Christy Dentler le 6 avril 2011 (Traduction : Thomas Roman)
( Mis en ligne le 04/07/2011 )
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