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Le corps et l'esprit
Entretien avec Lionel Shriver - (Big Brother, Belfond, Août 2014)


- Lionel Shriver, Big Brother, Belfond, Août 2014, 434 p., 22,50 €, ISBN : 978-2-7144-5627-4
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Parutions.com : A quel âge avez-vous commencé à écrire ? Vous souvenez-vous de ce qui vous a décidée à le faire ?

Lionel Shriver : J'ai commencé à écrire dès que j'ai appris à lire et cet apprentissage de la lecture et de l'écriture m'a donné l'envie de vivre de l'écriture. Depuis que je suis toute petite donc.

Parutions.com : Comment décririez-vous l'évolution de votre rapport à l'écriture ?

Lionel Shriver : Cela devient de plus en plus comme un métier, et je ne dis pas cela de gaité de cœur ! Parfois, je perds de vue ce sens de la découverte et de l'abandon, cet enthousiasme que j'avais à créer du langage. Je suis plus critique envers moi-même, ce que je produis m'impressionne moins et je peux plus facilement me décourager.

Parutions.com : Diriez-vous que vous avez aiguisé au fil du temps votre capacité à rendre compte de la complexité des relations humaines ?

Lionel Shriver : En tant que femme, on pourrait me voir comme un écrivain un peu inhabituel parce que j'incorpore dans mes romans des enjeux politiques et idéologiques. Tout tourne bien entendu autour des relations que mes personnages entretiennent mais dans un contexte social ou politique qui les dépasse. J'essaye par contre de faire en sorte que cela ne soit pas trop criant. La seule raison pour laquelle ces enjeux importent est justement par leur impact sur les vies des personnages. Comme ils les incarnent, il n'y a pas besoin d'insister plus sur ces questions. Elles sont là.

Parutions.com : On sait que votre propre frère est décédé des suites de son obésité. A quel moment cette question de l'obésité vous est-elle apparue comme un matériau pour l'écriture ?

Lionel Shriver : J'ai fini par comprendre que je devais écrire ce livre un an environ après sa disparition. C'était le laps de temps suffisant, la distance dont j'avais besoin pour me lancer.

Parutions.com : Est-ce que le processus de fictionnalisation fut un problème ou une solution dans la gestion de ce terrible passif familial ?

Lionel Shriver : En fait, je me suis surprise moi-même à réaliser à quel point cela n'est pas thérapeutique. Car aucun manuscrit ne peut faire revenir vos proches. Le roman n'a pas vraiment opéré sa fonction cathartique, à part pour sa toute dernière section, qui me touche vraiment et rejoint ma propre expérience.

Parutions.com : Aviez-vous cet épilogue en tête depuis longtemps ou bien a-t-il plutôt surgi spontanément ?

Lionel Shriver : Je me suis acheminée dans cette direction à partir de la moitié du livre. C'est en commençant cette seconde partie que j'ai décidé vers où irait le roman. D'habitude, je connais la fin dès le début et ce roman fut donc un cas à part, un de ces rares cas où j'ai changé d'avis au milieu du processus. Et j'ai compris pourquoi le dénouement original ne me convenait pas.

Parutions.com : Quel était le problème avec cette première version ?

Lionel Shriver : Dans l'épilogue original, Edison perd tout son poids et le récupère à nouveau, ce qui illustre bien ce qui arrive à la plupart des gens. Mais cela aurait été trop linéaire et prévisible à mon sens, cela aurait aussi donné l'impression que je pense qu'il est impossible de perdre du poids. Comme je ne voulais pas aboutir à cette conclusion, j'ai dû sortir de cette construction linéaire. Dans la version originale, les trois sections s'intitulent “Up”, “Down” et “Out”. Cela s'est imposé au roman. Le mot ''Out'' permet de quitter le roman : il y a une sortie...

Parutions.com : Vous êtes un écrivain qui n'a pas peur de se confronter à des thèmes difficiles, ce qui vous vaut des critiques allant de l'éloge à la vindicte. Comment avez-vous géré la réception parfois très critique de vos romans ?

Lionel Shriver : Je ne lis pas les critiques et je ne cherche pas à les connaître car je tombe déjà suffisamment par accident sur des choses désagréables. Je ne pourrais jamais effectuer une recherche en ligne sur moi-même et me faire ainsi du mal. La meilleure façon de se protéger des effets néfastes d'Internet, c'est de ne pas y participer. Je ne suis pas sur les réseaux sociaux car je ne veux pas devenir une cible sur ces formats anonymes.

Parutions.com : Vous pensez donc que l'écrivain peut décider avec qui il peut interagir ?

Lionel Shriver : La relation doit se constituer avec ceux qui ne professent pas de menaces. La majorité de mon lectorat entre dans cette catégorie, je pense.

Parutions.com : Comment pensez-vous que le lectorat français va recevoir Big Brother, notamment par rapport à votre lectorat américain ?

Lionel Shriver : Je crois que dans le passé, cette histoire aurait pu être vue par les Français comme une histoire typiquement américaine et un problème exclusivement américain. Mais je me rends compte que les problèmes de poids et même la question de l’obésité deviennent aussi des questions de société en France. J'espère donc que mes lecteurs français se sentiront plus concernés qu'ils ne l'auraient été il y a 10 ou 20 ans. Après tout, les Français sont tout aussi obsédés que n’importe qui par la minceur et l'apparence. Car mon roman ne parle pas que du fait d'être gros mais aussi de cette obsession contemporaine du poids, la manière dont nous sommes tous en concurrence les uns contre les autres avec cela, les jugements de valeurs induits par la grosseur sur le caractère des personnes. Tout cela est effrayant.

Parutions.com : Y a-t-il justement dans le roman un personnage que vous avez utilisé comme contrepoint à cette obsession ?

Lionel Shriver : De toute évidence, Fletcher assure cette fonction. Il est l'exemple même du gagnant, quoiqu'il soit tout aussi névrosé qu'Edison et sa relation à la nourriture est tout aussi perturbée, ennuyeuse et sans sel, ce qui fait de lui aussi une présence oppressante. En fait, ce sentiment de soulagement n'arrive qu'à la fin avec le personnage de Pandora qui explique son combat pour perdre ses 30 kilos, son succès, la reprise de poids et, finalement, la décision de ne plus s'en faire. Là est le Salut. Le ménage décide d'abandonner le régime ; ils se nourrissent raisonnablement sans ne plus se soucier de ce qu'ils mangent. Tout est là, non ? De penser à autre chose, manger normalement et penser à autre chose le reste du temps.

Parutions.com : Et la suite ?

Lionel Shriver : Je suis au milieu d'un livre sur la crise financière américaine dans un futur proche...

Parutions.com : : Merci beaucoup.


Entretien mené en anglais par Simone Warner le 13 octobre 2014 (Traduction : Thomas Roman)
( Mis en ligne le 28/11/2014 )
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