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Entre topoi et lieux-communs
Nicolas Fargues   Le Roman de l'été
Gallimard - Folio 2011 /  6.20 € - 40.61 ffr. / 320 pages
ISBN : 978-2-07-044062-7
FORMAT : 11cm x 18 cm

Première publication en août 2009 (P.O.L.)
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Comme elles l'ont prouvé à maintes reprises et avec un succès particulièrement remarqué en 2008, les éditions P.O.L. aiment parier sur les plumes capables d'expérimenter, de triturer les mots et réinventer la narration, de faire bouger la langue. Ici encore (et aujourd'hui en format de poche chez Folio) la forme échappe au classicisme en ce que se nouent, au fil de l'intrigue, quatre regards-sources ; d'abord cohérents et facilement repérables, ils explosent pour finir par n'en former plus qu'un, décliné en diverses nuances. La métamorphose n'est, on s'en doute, pas innocente et Nicolas Fargues (qui n'en est pas à sa première collaboration avec P.O.L.) l'utilise pour, une fois de plus, égratigner ses contemporains.

En effet, quoi de commun, a priori, entre un quinquagénaire américano-parisien en retraite anticipée, un couple de provinciaux végétant dans leur pavillon, une jeune fille chic, arty et cosmopolite, et un manutentionnaire plein de bonne volonté ? Rien, si ce n'est qu'ils vivent ou ont vécu à Vatenville et que dans un petit bourg normand tout le monde finit par se croiser. Le langage n'est pas le même, les références et les horizons diffèrent, mais tout finira par se fondre dans la même médiocrité, la même insatisfaction. Car s'il fallait identifier chacun de ces personnages par un trait de caractère tel qu'ouverture d'esprit, délicatesse excessive, besoin d'authenticité ou mesquinerie, on serait bien surpris des associations qui résulteraient de ce petit jeu, et bien déçu puisque les qualités ne servent qu'à perdre, tandis que les pires défauts font des gagnants.

L'auteur brosse ainsi à grands traits le portrait d'une époque, la nôtre, et multiplie les clins d’œil à l'actualité ; c'est l'ère sarkozyste qui constitue le véritable sujet du Roman de l'été. Nucléaire à tout-va et écologie en bannière, cadres en RTT et sport en entreprise, jeunesse dorée et banlieusards à cran, il faut que tout rentre dans un livre, et par-dessus ça rajouter en plus des réflexions sur le don de soi dans une relation, l'amour entre filles, l'éducation des enfants de divorcés, la meilleure manière de vieillir et l'image du vote de droite en France. Un président bling-bling et une première dame couverture de tabloïd deviennent les symboles du double mouvement d'uniformisation et de polarisation de la société. Dans un contexte de vulgarité généralisée, le second degré tend à devenir le principal instrument de différenciation pour se reconnaître entre gens fréquentables, tout en camouflant discrètement un sentiment de supériorité difficile à admettre, mais plus encore à cacher. S'ensuit un curieux jeu de dupes où il est difficile de se départager, où l'argent tient le beau rôle mais où la manière de le dépenser compte encore bien plus.

Malheureusement le joyeux mélange se révèle parfois indigeste à force d'ambition et l'adage «Qui trop embrasse mal étreint» trouve ici un usage d'autant plus justifié que l'écriture tombe souvent dans les travers dénoncés par l'auteur lui-même, dans sa caricature du bobo qui cherche à transformer de l'ennui et de la banalité en littérature.

Bien que s'atténuant au fil de la lecture, l'impression d'avoir affaire à un exercice de style n'est guère agréable ; il est vrai que dans la narration, les deux «romans de l'été» cités – celui que John tente d'écrire, et un succès de libraire – sont des anti-modèles, mais l'on aurait souhaité que le troisième, celui qui les englobe ironiquement tous deux, soit moins marqué par l'esprit déprimant de médiocrité petite-bourgeoise de son époque : si la littérature ne nous fait pas voyager un tout petit peu, vaut-elle vraiment mieux qu'une émission de télé-réalité ? Comme chacun le sait, l'enfer est pavé de bonnes intentions et il est à craindre que Nicolas Fargues se soit – tout comme son «héros» John – pris à son propre piège, avec une critique collant trop étroitement au style qu'il voulait tourner en dérision...


Aurore Lesage
( Mis en ligne le 25/07/2011 )
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