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''Les plus désespérés sont les chants les plus beaux''
Abdellah Taïa   Infidèles
Seuil - Points 2015 /  6.30 € - 41.27 ffr. / 176 pages
ISBN :  978-2-7578-4996-5
FORMAT : 11,0 cm × 18,0 cm

Première publication en août 2012 (Seuil)

L'auteur du compte rendu : Arnaud Genon est docteur en littérature française et professeur certifié en Lettres Modernes. Il enseigne actuellement les lettres et la philosophie en Allemagne, à l'Ecole Européenne de Karlsruhe. Visiting Scholar de ReFrance (Nottingham Trent University), il vient de publier Roman, journal, autofiction : Hervé Guibert en ses genres (Mon Petit Editeur, 2014). Il a cofondé les sites herveguibert.net et autofiction.org.

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Jallal est marocain, il a dix ans. Sa mère, Slima, se prostitue dans le quartier de Hay Al-Inbiâth, dans la banlieue de Rabat. Il attire les clients. Elle, elle offre son corps, elle donne du plaisir. Elle accomplit un destin qui était aussi celui de sa mère. Mektoub. Mais ceux-là mêmes qui l'aiment le temps d´une nuit, la considèrent, le jour, au grand jour, comme une paria, vomissent son nom et celui de son fils. Elle est le mal. L'enfer, c'est toujours les autres, c'est toujours pour les autres... même quand on y trouve son paradis.

Il faut partir, fuir. Jallal crache. C'est sa manière d'exprimer le dégoût que lui inspirent les autres, les voisins, les clients, l'imam lui-même. A Hay Salam - on y revient toujours avec Abdellah Taïa - ce sera mieux. Là-bas, ils pourront tout réinventer, recommencer. Bien sûr, il y a de belles rencontres, celle du soldat que la mère et le fils aiment d'un commun amour et qui doit partir mener cette guerre contre le Polisario. Avec lui, ils regardent River of No Return. Marylin Monroe devient une sainte, parce qu'elle parle leur langue. Parce qu'il n'y a pas de retour possible. Ils l'ont compris, ensemble. Mais c'est tout. Le Maroc abandonne ses enfants et humilie leurs mères. Pendant que Slima se fait torturer trois années durant, Jallal, envoyé in extremis en Égypte, apprend à vivre sans elle, puis tente de la retrouver, en pure perte, lorsqu'elle revient à lui. Elle accomplit son destin ailleurs désormais, elle s'accomplit dans sa propre disparition, son propre anéantissement, à Médine où fut enterré le Prophète. Jallal, lui, regagne la Belgique ou l'héberge le dernier mari de sa mère. Il y rencontre celui qui lui fera, à son tour, accomplir son destin.

On sent dans les personnages d'Abdellah Taïa les fractures, les failles qui sont les siennes. On y lit un autoportrait en creux, une histoire, un destin qui auraient pu être les siens, celui d'un enfant pauvre de Salé. A l´instar de Flaubert éprouvant le goût de l'arsenic à l´écriture du suicide d'Emma Bovary, il pourrait dire : «Jallal, c'est moi». C'est lui et ce sont tous les laissés pour compte du Maroc, à qui il donne la parole, à qui il prête sa voix. Et comme tous ont leur mot à dire, le roman se fait polyphonique, les voix se relaient, se font écho. Tous parleront, car les mots à dire sont des «je» à être.

Les ''Infidèles'' d'Abdellah Taïa ne sont infidèles que parce qu'ils sont libres. Ils échappent aux fictions que le Maroc leur impose, quitte à choisir d'autres fictions. Elles ne sont peut-être pas plus belles, mais elles sont autres. Elles permettent d'être au monde, dans le choix consenti de sa propre mort. «Les plus désespérés sont les chants les plus beaux», écrivait Alfred de Musset. Abdellah Taïa, dans ce roman d'une grande force poétique et politique, l'illustre à merveille.


Arnaud Genon
( Mis en ligne le 27/02/2015 )
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