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La ''folle du logis''
Shalom Auslander   L’Espoir, cette tragédie
10/18 - Domaine étranger 2014 /  8.40 € - 55.02 ffr. / 356 pages
ISBN : 978-2-264-06166-9
FORMAT : 11,0 cm × 18,0 cm

Première publication française en janvier 2013 (Belfond)

Bernard Cohen (Traducteur)

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Américain, né en 1970 et vivant près de New York, Shalom Auslander s’est fait connaître des lecteurs français par la réjouissante Lamentation du prépuce (Belfond, 2008), récit de son éducation dans une famille juive orthodoxe. Il continue de régler des comptes avec son milieu dans ce roman à l’humour grinçant : L’Espoir, cette tragédie.

Le héros, Solomon Kugel, a normalement tout pour être heureux : une charmante épouse, Bree, un fils adorable, Jonas, et il vient de s’installer à la campagne dans une belle ferme ancienne. Un logement un peu trop coûteux pour leurs moyens ce qui contraint Solomon à louer une chambre au «locataire» que d’emblée il déteste. Et la maison ? Certes elle est belle et confortable, mais… on y entend de drôles de bruits la nuit, du moins Solomon les entend-il... Et cette odeur infecte ? Solomon de surcroît se sent obligé d’accueillir chez eux, dans la dernière chambre disponible, sa mère en fin de vie.

Ce qui devait être un rêve champêtre se transforme progressivement en cauchemar absolu : la vieille dame est une épouvantable mégère, en état de démence sénile, qui – quoique née aux États-Unis, dans une famille américaine, après la guerre -, a construit sa vie et sa protection autour de sa souffrance liée à l’holocauste. Se poser en victime lui assurait une position intéressante, alors qu’elle élevait seule ses deux enfants. Elle offrait à son fils adolescent une savonnette en lui affirmant qu’il s’agissait d’une de ses tantes... Elle refait l’album de photos familiales pour son petit-fils en le truffant de photos des camps, des charniers, des souvenirs de la Shoah... Et - comble de malheur pour Solomon -, loin de mourir, elle paraît d’une santé insolente !

Lorsque Solomon monte au grenier pour identifier les bruits mystérieux, il tombe sur une vieille femme et son ordinateur, qui se présente : «Je suis Anne Frank»... A partir de là, la vie de Solomon devient un cauchemar total que les visites régulières au professeur Jovia n’aident guère à dissiper. Psychiatre, «esprit universel», le professeur sait ce que tous ignorent : «Et l’opinion de cet homme illustre était que la principale source des malheurs de ce monde, la cause essentielle de l’angoisse, de la haine, de la tristesse et de la mort n’avait rien à voir avec les épidémies, les conflits ethniques ou religieux, non, c’était l’espoir». A partir de ce constat simple (et singulier…), des conclusions s’imposent. Hitler ? «Un optimiste incorrigible, le Führer ! Un rêveur ! Et même un romantique, non ? (…) Il me suffit de tuer celui-ci, de gazer celui-là et tout ira bien… (…) Mao, Staline, Pol Pot sont des optimistes ! Voici une règle utile si vous voulez survivre, Kugel ! (…) Les pessimistes n’installent pas de chambres à gaz».

Quelle issue pour Solomon ? Il tente de maintenir en vie Anne Frank qui se révèle être une vieille femme acariâtre mue par l’ambition d’être reconnue comme romancière et non d'être cantonnée à son rôle de «Miss Holocauste 1945» ; elle lui laisse entendre (espérer !) qu’elle quittera son grenier lorsqu’elle aura terminé son ouvrage… Mais pas avant ! Comment s’est-elle retrouvée dans son grenier ?... Un mystère qui sera levé en fin de roman…

Solomon essaie désespérément de contourner la réalité (lui qui est un commercial de talent dans sa vie professionnelle), avec sa mère, avec sa folle du grenier, avec le locataire… Mais celle-ci, têtue, s’impose toujours. Cela donne des pages drôles, un récit déjanté, qui, par touches, tourne au tragique. Le doute s’insinue chez le lecteur : cette vieille femme existe-t-elle vraiment ou n’est-elle que la création de l’imagination de Solomon, l’imagination, cette «folle du logis» justement ? Implacablement, le romancier, tout en gardant un ton drôle, conduit son lecteur impuissant vers le drame, drame toujours recommencé…

Shalom Auslander tape fort et sans ménagements (son livre a d’ailleurs reçu un accueil mitigé aux États-Unis), sur des sujets sensibles : la mémoire de l’Holocauste, la position de victimes et leur force construite de leur faiblesse, la fascination pour la souffrance, le malheur programmé. Si le roman commence de façon assez alerte et s’inscrit dans une longue tradition d’humour juif (de Philip Roth à Woody Allen ou Edgar Hilsenrath), il s’en écarte aussi par sa violence et le désespoir qui s’installe progressivement ; Shalom Auslander, quant à lui, revendique une filiation avec Kafka et Beckett. Et son texte, qui commence comme une comédie, s’achève en effet tragiquement.


Marie-Paule Caire
( Mis en ligne le 21/02/2014 )
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