| Franz-Olivier Giesbert La Cuisinière d’Himmler Gallimard - Folio 2014 / 7,90 € - 51.75 ffr. / 416 pages ISBN : 978-2-07-045970-4 FORMAT : 11,0 cm × 17,8 cm
Première publication en avril 2013 (Gallimard) Imprimer
La vengeance est un plat qui se mange froid ou chaud, comme vous voulez, à la provençale, avec du Ketchup, ou de la sauce Soja et, pourquoi pas, quelques amanites phalloïdes en saison. Telles sont notamment les excellentes spécialités, 100% naturelles et végétariennes, que propose Rose à la carte de son restaurant face au Vieux-Port. Grâce à son art culinaire et bien dautres prouesses, cette cuisinière talentueuse a largement dépassé le centenaire sans rien perdre de sa gouaille, de son savoir faire ni de ses élans amoureux.
Ayant subi tous les génocides du vingtième siècle en étant dabord orpheline puis endeuillée par la mort de près dune demi-douzaine de maris, de chats et denfants successifs, elle a su sortir intacte de ses aventures moyennant quelques compromissions, sous le regard réprobateur de Théo, sa salamandre, plus respectueuse des règles éthiques. Entre Trébizonde, Paris, Marseille, Berlin, New York et Pékin, lheure est maintenant venue pour la vieille dame de régler ses comptes vis-à-vis du drame arménien, du stalinisme, du nazisme, du maoïsme et
de Jean-Paul Sartre.
Un peu à la manière du Minuit à Paris de Woody Allen, lauteur fait revivre, sous formes de dialogues humoristiques et daventures aussi invraisemblables que pimentées, toutes sortes de personnages, illustres ou peu recommandables, tourne casaque médiocres ou hauts placés dans la responsabilité des plus sinistres pages de lHistoire : ce monde de hier et de tout temps, de sous-chef, sous-off, sous-hommes, Drumont et Himmler compris, dangereux petits collabos que les circonstances ont rendus grands ; monde aussi de minables crapules daujourdhui sans foi ni loi, capables de tout pour trois fois rien, à abattre sans regrets.
Cest ainsi que Rose, mémé invincible au grand cur et croupe accueillante en tous sens, endosse lhabit de justicier pour punir les traitres et récompenser les amis, en maniant avec dégales compétences les plans machiavéliques, les armes à feu, les techniques du Krav-Maga et du Kâmasutra, et de multiples préparations dignes de La Cuisinière provençale de J-B Reboul, bible incontournable des marseillais. Reste la mort des proches aimés, et peut-être bien la sienne propre un jour ou lautre, vis-à-vis de laquelle sa toute puissance rencontre des limites.
Comme il se plaît à le dire pour justifier ses contradictions politiques, le journaliste Franz-Olivier Giesbert nhésite pas à se servir de ses deux hémisphères, droit et gauche, jamais tout à fait symétriques dans le cerveau humain. Il ny a pas de doute quen tant que romancier il choisit le meilleur. Drôle, amorale et bien rythmée, cette farandole gourmande se déguste dune traite après une énigmatique mise en bouche dont le sens se découvre peu à peu. Daucuns trouveront peut-être certains desserts trop salés ou trop sucrés, voire répétitifs, sans manquer toutefois den copier discrètement les recettes sur un coin de nappe ; pour des références plus classiques, ils pourront se reporter à la ''Petite bibliothèque du siècle'' bien ciblée, proposée en fin douvrage.
Monika Boekholt ( Mis en ligne le 05/12/2014 ) Imprimer
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