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Le hasard et la nécessité
Juli Zeh   L'Ultime question
Actes Sud - Babel 2013 /  9,70 € - 63.54 ffr. / 410 pages
ISBN : 978-2-330-02276-1
FORMAT : 11,0 cm × 17,8 cm

Première publication en septembre 2008 (Actes Sud).

Traduction de Brigitte Hébert et Jean-Claude Colbus.

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«Au moment du Big Bang, la probabilité de voir naître notre univers était de dix puissance moins cinquante-neuf. Notre Terre n'était donc pas plus probable que de tirer neuf fois d'affilée le chiffre six au Loto. Stochastiquement parlant, on peut considérer que l'humanité n'existe pas».

A partir de ce postulat, Sebastian, physicien quadragénaire enseignant à la faculté de Fribourg, a élaboré la théorie des «mondes multiples» : si l'apparition de la vie sur notre planète est due au hasard, qui peut affirmer qu'il n'existe pas dix puissance cinquante-neuf autres univers s'épanouissant chacun dans des dimensions parallèles ? Cette hypothèse a le don d'agacer son meilleur ami, Oscar, qui est comme lui chercheur en physique et qui réfute toute intervention du facteur hasard pour expliquer notre monde, selon lui «fin tissu de causalités» que seuls les spécialistes en physique quantique peuvent faire émerger de manière empirique.

La question pourrait faire l'objet d'une pesante étude de physique incompréhensible pour les non initiés ; ce n'est pourtant pas à une lecture aussi complexe que nous invite Julie Zeh dans ce roman dont l'intrigue, mêlant philosophie, métaphysique et poésie, nous raconte d'abord une histoire d'amitié trahie : celle de deux hommes qui, inséparables pendant leurs études, ont choisi deux voies de vie opposées. Sebastian a abandonné la recherche pure au moment de son mariage avec Maike, avec qui il a un fils, Liam, qu'il chérit plus que tout. Oscar, personnage charismatique affichant depuis toujours un dandysme cynique et hautain, est resté célibataire et a été embauché à Genève, où il poursuit ses recherches. Il ne cache pas sa déception voire un vague mépris face à ce qu'est devenu Sebastian, qu'il retrouve cependant tous les vendredis à Fribourg, où il dîne en compagnie de Maike et Liam qui l'adulent et l'admirent. Or ce qui n'était jusque-là qu'une simple histoire de famille bascule, le jour où Liam est enlevé par des ravisseurs qui pour toute rançon, exigent que Sebastian commette un meurtre.

Julie Zeh avait là tous les ingrédients pour nous mitonner un énième polar à succès : on y croise en effet, à côté des deux physiciens, des personnages bien trempés, parmi lesquels, un commissaire à la dérive menant sa dernière enquête, une policière au physique de Lara Croft et au caractère de harpie, un adjudant benêt amoureux de sa supérieure, ainsi que des médecins à la déontologie douteuse.

Pourtant son livre se hausse largement au dessus du simple bon roman policier, car l'auteur ne fait pas du suspense une fin en soi, mais un moyen de nous maintenir en haleine dans un récit où humour, science et poésie se marient à la réflexion philosophique. Julie Zeh estime ses personnages autant que ses lecteurs, amenés à cogiter vertigineusement sur l'infiniment grand et l'infiniment petit, la nature quantique du temps, ou encore l'existence du libre-arbitre, dans un monde où le hasard dicte souvent nos choix.

La poésie avec laquelle est décliné l'enchaînement des catastrophes intervenant dans la vie des personnages peut évoquer certains passages de L'Arrache-cœur de Vian ; on songe également, plus proche de nous, au film allemand de Tom Tykwer, Cours, Lola, cours, auquel Julie Zeh fait discrètement référence : le commissaire Schilf croise à trois reprises des femmes aux cheveux rouges qui rappellent l'héroïne de ce film où il était également question de la multiplicité des possibles. Et pour rendre perceptibles les variations d'échelles inhérentes aux questions physiques posées dans le roman, la narration se met au service du lecteur : tantôt elle nous plonge à l'intérieur de la conscience des personnages, tantôt elle nous les fait survoler de très haut, comme si les descriptions étaient le fait d'oiseaux migrateurs venus de très loin, d'autres mondes peut-être.

«L'improbable de leur présence écrase littéralement les hommes et constitue la raison de leur irrépressible désir de s'inventer un créateur». Les personnages du monde littéraire créé par Julie Zeh sont véritablement attachants, et si l'on se surprend à être triste de devoir les quitter en refermant les pages de ce roman, c'est avec l'impression d'avoir gagné en intelligence. Ce qui, pour illusoire, est toujours réconfortant.


Natacha Milkoff
( Mis en ligne le 07/09/2013 )
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