| François Feer Bestiaire amazonien Le Dilettante 2008 / 17 € - 111.35 ffr. / 188 pages ISBN : 978-2-84263-163-5 FORMAT : 12cm x 18cm Imprimer
Tout le monde ne se passionne pas pour la description naturaliste de la faune amazonienne, mais il y a fort à parier que le lecteur le plus réticent va être séduit par lapproche de François Feer, dans ce Bestiaire amazonien.
Onze chapitres pour autant danimaux ; demblée les titres attisent la curiosité : Le Coq de roche, une bête de scène, LAgouti ou lanxiété du petit épargnant, Le Phanée rouge gouverne-t-il le monde
sans oublier : la Rainette singe aime les drogues dures
Et cependant, un texte savant et brillant, jamais ennuyeux, stimulant, et bien écrit. Certes lauteur use et abuse avec jubilation du calembour, mais il sait aussi placer des notes intelligentes en bas de page
Grâce à lui, on nignore rien des voyageurs, naturalistes, explorateurs dAmérique latine. Certes lanthropomorphisme règne dune certaine façon afin de stimuler le lecteur, mais le douzième chapitre nest-il pas consacré à «lHomo sapiens sous espèce explorans», havresac au dos, ordre de mission plastifié et GPS en poche, Pataugas au pied, ultime descendant du lointain chasseur paléolithique ? «Le trimardeur amazonien sappelle Humboldt, Bonpland, dOrbigny, Bates, Wallace, Spruce, Waterton Castelnau, Coudreau, Crevaux,et Jean Noubly. Comme un agouti fait des réserves, il rapporte des tonnes déchantillons despèces inconnues de plantes et dinsectes, de mammifères qui feront rêver des générations dexplorateurs immobiles dans les muséums des métropoles» (pp.186-87). Pour notre plus grand plaisir, il se nomme aujourdhui François Feer, et nous alerte sur le danger de «lextinction programmée de la forêt tropicale à lère quaternaire».
Après la lecture, comment ne pas avoir envie de se mobiliser pour défendre la survie de ce monde extraordinaire : le jaguar élégant, rapide et ennemi du moindre effort, qui sincline malgré tout devant le tamanoir fourmilier ; le pian, autrement nommé lopossum et injustement surnommé paresseux, le somptueux coq de roche («maquillé comme une voiture volée») qui parade pour gagner lamour de la belle et le droit de se reproduire ; le tatou à neuf bandes qui appartient à lordre des édentés en dépit de sa mâchoire bien fournie et dont tous les bébés dune portée sont du même sexe - «cest tout simplement quil est plus facile de choisir la couleur de la layette et du papier peint pour le terrier des enfants» (p.43) - et tous les autres
La forêt amazonienne vue comme jamais de haut en bas, du bousier au colibri, avec leurs surnoms et leurs noms savants, leurs moeurs, le regard de lhomme et les histoires que lon se raconte à leur sujet. Tout un monde haut en couleurs et plein dénergie, lénergie nécessaire pour survivre dans un milieu plus que difficile.
Drôle de livre, inclassable, entre la faune amazonienne pour les nuls et un précis de zoologie, qui doit plaire même aux lecteurs qui sont indifférents aux documentaires animaliers, car au-delà des animaux, cest de la vie quil sagit. Les encres de Dupuy-Berberian illustrent avec humour ce texte décalé. A conseiller sans modération et à tous les âges.
Marie-Paule Caire ( Mis en ligne le 05/11/2008 ) Imprimer | | |