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Littérature -> Récits |
| Greg Dawson Joue, joue sans t’arrêter Autrement - Littératures 2010 / 19 € - 124.45 ffr. / 259 pages ISBN : 978-2-7467-1435-9 FORMAT : 14,5cm x 22cm
Traduction d'Olivier Philiponnat Imprimer
Les récits, mémoires, témoignages, biographies, qui ont pour objet le destin dune personne ou dun groupe de personnes pris dans la tourmente et lhorreur de la Shoah, sils sont nombreux, apparaissent toujours comme des objets singuliers, tant lexpérience quils rapportent semble devoir être préservée de toute tentative den banaliser lessence. Cest un fils ici, qui fait le récit de la jeunesse de sa mère. Les faits quil rapporte lui ont été confiés si tard quil sétonne davoir pu vivre si longtemps aux côtés dune femme dont il a ignoré le passé cruel et douloureux. Janna a donc fini par revenir sur son «refus de témoigner» et de ses souvenirs, son fils, Greg Dawson, a fait un livre où se trouvent mêlés les événements qui ont précipité lenfance heureuse de sa mère dans lhorreur ainsi que des propos tenus lors de leurs conversations.
Janna est née en Ukraine, dans une famille dartisans juifs confiseurs passionnée de musique. Très tôt, elle est initiée au piano et montre des talents sidérants au point quelle est admise au conservatoire de Moscou. Lirruption des nazis en URSS en 1941 la contraint à renoncer à ses projets, mais personne, dans la communauté juive dans laquelle elle vit, ne semble prendre au sérieux les menaces des Allemands à lencontre des Juifs. Elle a 14 ans quand avec ses parents, sa sur et les 16000 Juifs de Kharkov, elle doit se rassembler et marcher dans la campagne glacée vers la fosse de Dobritski Yar où les nazis tuent tous les Juifs. Grâce à lentremise de son père, elle et sa sur vont fausser compagnie au sinistre cortège et échapper à la mort avec comme testament paternel, cette phrase lâchée avant que les mains ne se séparent : «Joue, joue, sans tarrêter».
Ayant échappé aux Einzatsgruppen, Janna et sa sur, Irina, elle aussi virtuose, finissent par trouver un refuge moins précaire dans un orphelinat où elles changeront didentité. Leur talent est vite remarqué par les nazis qui vont en faire une occasion de divertissement : elles sont intégrées dans une troupe dartistes et doivent se produire pour ceux-là mêmes qui ont assassiné leurs parents. A la libération, elles tentent de survivre dans un camp tenu par les Américains, où un jeune officier, mélomane un peu fantasque, les prend sous sa protection ; il se fait un devoir de sauver les deux jeunes filles et de faire connaître au monde leur talent. Il les envoie en Amérique où Janna intégrera la Juilliard School et épousera le frère de son sauveur.
De la mort de leurs parents, de la terreur de la fuite et de leur identité pendant longtemps abandonnée, les deux surs ne reparleront jamais. Lexpérience vécue, celle de rescapées, la douleur davoir tout perdu et subi la volonté implacable de destruction des nazis, il semble quelles ont pu vivre avec parce que la musique constitue un autre langage qui permet de communiquer lineffable. Et il fallait sans doute un autre voix que la leur pour raconter, enfin.
Amélie Bruneau ( Mis en ligne le 29/09/2010 ) Imprimer | | |
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