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Paris pas à pas ; Paris mot à mot | | | Petr Kral Cahiers de Paris Flammarion 2012 / 20 € - 131 ffr. / 279 pages ISBN : 978-2-08-125328-5 FORMAT : 13,5 cm × 21,0 cm Imprimer
Petr Král est né en 1941 à Prague et vit à Paris depuis 1968. De surréaliste tchèque, il est devenu, en France, un poète dune métaphysique piétonnière, celle des silences, des espaces ouverts entre les lignes et les menus gestes quotidiens, de la confrontation solitaire avec le monde. Des poèmes, la dérive où cette métaphysique se révèle, sétend naturellement à dautres formes décriture que Petr Kral pratique à travers des essais et des récits, des notes de journal. Auteur d'une anthologie du surréalisme tchèque (Le Surréalisme en Tchécoslovaquie, Gallimard), il a aussi publié chez Flammarion plusieurs uvres comme Notions de base, Enquête sur des lieux (préfacé par Milan Kundera) et Vocabulaire.
Voici Cahiers de Paris qui poursuit la déambulation de Petr Kral dans la capitale. Poète-piéton, il se promène, marche et note des petits faits, de 1968 à 2006, évoquant un Paris qui, peu à peu, disparaît sous le modernisme ambiant, dissolvant saveurs et étrangetés. Cest aussi en piéton que nous parcourons ce livre singulier et déroutant, égrenant les années au fil des lignes. Cest tout un monde revisité par Petr Kral, un Paris urbain et mystérieux auquel il insuffle tout un vocabulaire particulier, faisant surgir ça et là des images surprenantes qui appartiennent à une vision poétique trouble et solitaire. On sent au fur et à mesure des pages des émotions contenues, des désespoirs tus, des enchantements jubilatoires qui manifestent, ô combien, que ce quon appelle poésie permet encore de saisir par quelques allusions le concret et le quotidien inaperçus. Milan Kundera lavait écrit dans la préface à Notions de base : «Cest notre cécité, cécité existentielle, qui rend le monde autour de nous si mystérieux. A sa façon Petr Kral écarte le voile».
Notations étranges et simples ("Rien à faire : à chaque fois qu'en rentrant j'ouvre la porte de l'appartement, je me demande à nouveau qui m'attend derrière elle"), mélancoliques ("Le réveillon de fin d'année, bientôt minuit. Je continue d'habiter ma tête"), ludiques ("Les travestis les plus convaincants, ce sont les femmes elles-mêmes"), comiques ("Un soleil hérissé de cornichons, en guise de gâteau d'anniversaire"), troublantes (''Pour finir, rien que les flocons de neige qui, pris d'un vertige suicidaire, se précipitent vers le fond d'un miroir"), révélatrices d'un certain malaise diffus («Je ne suis pas bien placé", ou encore "Je suis toujours du côté du chaos")... Petr Kral nous offre une sorte de kaléidoscope poétique tout au long de ces années.
On pourrait ainsi relever des dizaines de citations dans ce foisonnant ciel étoilé textuel. Il ne s'agit évidemment pas d'un livre que l'on lit d'une traite mais d'un recueil que l'on picore par petits bouts pour en savourer les allusions, les jeux avec les mots et les images qui s'entrechoquent pour tisser une discrète poésie urbaine. Petr Kral fait parti de ses auteurs rares et discrets qui, en jonglant avec les mots, tirent du concret et de la ville toute une étrange et fragile prose non dénuée d'humour.
Yannick Rolandeau ( Mis en ligne le 08/06/2012 ) Imprimer | | |