| Paul Morand Bains de mer, bains de rêve et autres voyages
Robert Laffont - Bouquins 2019 / 32 € - 209.6 ffr. / 1057 pages
ISBN : 978-2-221-21547-0
FORMAT : 13,4 cm × 19,9 cm
Olivier Aubertin (Directeur de publication)
Nicolas d' Estienne d'Orves (Préfacier)
Imprimer
On ne lit plus vraiment Paul Morand : L’Homme pressé est passé vite, et le grand styliste qu’il était a laissé place à d’autres, moins en difficulté avec l’Histoire et notamment la Libération. Morand fut pourtant un grand, un immense écrivain, et sa correspondance ainsi que son journal, tout venimeux qu’ils soient, dévoilent une plume aussi habile qu’assassine. Ici, ce n’est ni le romancier, ni le diariste qui se livre, mais le voyageur, l’Amant de la grand route, fanatique de la vitesse et du paysage qui défile. Car Morand fut un immense voyageur, tant du fait de ses fonctions diplomatiques que de son goût pour le lointain et l’ailleurs.
Avec cette anthologie, qui rassemble les grands textes d’un Morand cosmopolite au sens fort du terme, c’est-à-dire un citoyen de la terre, le lecteur – voyageur ou sédentaire - a de quoi réaliser un premier tour du monde littéraire et «se perdre». Après quelques conseils utiles pour voyager sans argent et autres considérations sur le cosmopolitisme, le lecteur monte finalement à bord : Le Monde est une pomme est un premier recueil de routes asiatiques et orientales, de souvenirs, d’impressions glanées au passage, de moments et de visions mis en spectacle par un esprit subtil et fertile en métaphores. Parsemant ses escales de considérations historiques, culturelles, philosophiques, etc., Morand ouvre les yeux, et observe, avec cette distance un peu souriante qui caractérise son style. Ce n’est pas Bouvier, c’est plus littéraire et moins ethnologue, un voyageur à l’ancienne, presque une chroniqueur.
On lira de même avec plus d’amusement son Monde est une route, rempli de petites considérations sur le passage, presque un journal intime de voyageur qui s’interroge sur son quotidien. Puis vient la «religion balnéaire», celle des bains de mer, célébrée dans une troisième partie par celui qui, homme libre, chérit effectivement la mer... Morand rédige en effet ses souvenirs de baigneur, dans l’eau comme dans la culture et l’histoire. La quatrième partie est sans doute plus convenue, c’est la partie dédiée à l’Europe et aux incontournables du voyage comme de l’oeuvre de Paul Morand : Venise, Paris, Londres, l’Andalousie, les îles grecques, Budapest, le Danube. Quelques textes moins attendus, comme un récit de Suisse... et l’on repart sur des routes moins convenues, comme celles de l’Amérique latine. Encore une fois, la poésie est au rendez vous, avec cet humour discret et piquant qui cible la bêtise lorsqu’elle se présente.
Magnifiquement établi et présenté par Olivier Aubertin, ce recueil est l’occasion de découvrir ou redécouvrir un genre littéraire un peu désuet, le journal de voyage, ainsi qu’un auteur trop rapidement rangé dans les académiques, dont le charme et la conversation rappellent, comme le disait Talleyrand, ce qu’était la douceur de vivre...
Gilles Ferragu
( Mis en ligne le 24/06/2019 )
Imprimer | | |