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Littérature -> Récits |
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Constant Malva, mineur belge détourné | | | Constant Malva Paroles de mineurs Omnibus 2007 / 25 € - 163.75 ffr. / 774 pages ISBN : 978-2-258-07377-7 FORMAT : 13,0cm x 19,5cm
Préface de Michel Ragon. Imprimer
Lorsque lon aborde le courant prolétarien en Belgique francophone, le nom dAlphonse Bourlard, alias Constant Malva, vient naturellement à lesprit. De 1919 à 1940, ce forçat du pic et de la plume cumula à ses descentes journalières dans le trou la rédaction dune uvre poignante et sobre où il dépeint mieux que quiconque le morne quotidien des «gueules noires».
Entré en littérature grâce à lappui de Henry Poulaille, Malva sera souvent salué mais jamais pleinement reconnu, ce qui empêchera la parfaite éclosion de son talent. Il faut admettre que son style et son ton ne sapparentent ni aux harangues révolutionnaires ni au militantisme actif auquel se prêteront plusieurs de ses contemporains. Ainsi, dans LHistoire de ma mère (1932), les petites gens sexpriment dans un langage policé et poussent la délicatesse jusquà sapostropher au subjonctif passé
La narration, si elle touche par son vérisme, reste dune facture classique et souffre dun certain purisme autocorrecteur, propre à nombre de créateurs belges de lépoque, avides de se voir agréés dans le giron du tropisme parisien
Du coup, on nentend pas vraiment «parler peuple» dans ces pages, qui nen gardent pas moins une indéniable valeur de témoignage sur la condition et plus encore les affres intérieures des écrivains-travailleurs. Malva, que Victor Serge taxait de «mineur dopérette» parce quil le voyait fréquenter des personnes nappartenant guère à son milieu, rompra avec le cliché exalté et idéologisé qui collait à sa caste dès lincipit dune confession aux accents sans détour, Un mineur vous parle (1948). Il y explique que, loin dêtre une profession transmise par tradition, ce métier se contracte plutôt par reproductibilité et avec un sentiment de fatalité résignée ; de ce fait, il ne peut être aimé par ceux qui lexercent. Malva déplore la grossièreté des hommes du fond tout en prenant acte du mépris dans lequel ils sont tenus. Se refusant de juger ceux dont il partagea le sort, il soutient : «À quelquun qui reprocherait au mineur sa mentalité, je pourrais répondre quil a la mentalité inhérente à son métier. Si au lieu de travailler dans le charbon et la pierre, cet homme travaillait dans la farine, son langage prendrait probablement une autre couleur.»
Après ces passages où se mêlent à la fois acuité et naïveté, le récit de Malva se fragmente en souvenirs denfance puis en évocations du sol natal, le Borinage, de ses vicissitudes historiques et de ses joyeuses ducasses, de ses proverbes couillus où le diable traîne toujours un peu, de ses figures majeures et de ses gens «gais mais qui savent que la vie leur est mesurée».
Limage dun auteur monolithique vole en éclats devant une telle disparate de genres, car, même sil y conserve un décor immuable, Malva sessaye au roman (Le Jambot), aux portraits et aux scènes sur le vif (Borins, Un de la mine) et enfin au journal intime, dans un texte sublimement intitulé Ma nuit au jour le jour. Cest dans cette tranche de vie «commencé[e] à une date prise au hasard et terminé[e] à la même date de lannée suivante», que Malva touche à laccomplissement. Il passe de la description clinique des ses épuisantes heures dans la fosse à celle, sans fard, de ses frustrations dartiste inabouti, se sentant de plus en plus isolé, quand ce nest pas oublié, de ses pairs
Frédéric Saenen ( Mis en ligne le 11/04/2007 ) Imprimer | | |
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