| Bernard Chambaz Evviva l'Italia - Balade Panama 2007 / 18 € - 117.9 ffr. / 126 pages ISBN : 978-2-7557-0216-3 FORMAT : 13,0cm x 20,0cm Imprimer
Coureur de pages autant que détapes, Bernard Chambaz livre le récit, dans Evviva lItalia ! de sa dernière aventure cycliste qui est en même temps et inséparablement sa dernière entreprise littéraire. Après le Tour de France, éprouvé et écrit en 2003 dans A mon tour, Chambaz sattaque au Tour dItalie, le Giro. Mais la voie par laquelle ce nouveau défi simpose, nest pas une de ces routes directes qui se contentent de relier un lieu à un autre. Ici létape est dabord littéraire : reprenant le récit de Buzzati Sur le Giro 1949, il saperçoit que ce tour dItalie a commencé le jour de sa naissance. Un peu plus loin il retrouve ce quil avait oublié : Buzzati raconte que ce même Giro a été couru en cachette par un paysan de 57 ans, Vito Ceo, partant avec les coureurs au matin, et arrivant après tous les autres, le soir tombé.
Il nen faut pas plus pour fixer le défi : 57 ans plus tard, animé dun «refus sans illusion de sincliner devant quelque chose qui serait lâge», Chambaz décide de refaire exactement le périple du Giro de lannée de sa naissance. A la fois pari insolent jeté à la face du temps, et divertissement estival à travers les campagnes italiennes, ce nouveau tour manifeste une fois de plus le pouvoir des livres et lattrait de la route, ces «rapports clandestins» entre la littérature et le cyclisme, ces «réciprocités frauduleuses» entre le vélo et les mots, que débusquait Jean-Louis Ezine, dans la préface de son roman Un ténébreux, et que tant dautres, de Blondin à Pouy, en passant par Barthes, Delerm ou Perec, ont exploré à leur manière.
Suivent 19 chapitres, 19 étapes pour boucler une boucle, un cycle sûrement, en mettant ses roues dans celles des Glorieux que furent Coppi et Bartali, ou des Ténébreux anonymes du peloton qui les accompagnait. Chambaz pédale, lui, sur des routes de souvenirs, dhistoire et de poésie : rouler cest relire et écrire en même temps, une affaire de voyage et de rythme sans doute.
LItalie est là surtout, à toutes les pages, une Italie de lintérieur, des petites routes, des détours et des virages, déchiffrée à mesure quelle est traversée par ce cycliste écrivain qui «tient la route comme il tient la plume», selon le mot dEric Fottorino, son confrère en girations littéraires. On y retrouve chantés, la gourmandise de ses glaces, le réconfort de ses cappuccinos, et la liberté de ses héros. Parfois aussi, tandis que les jambes tournent, le voyage est plus personnel et cest lui-même que Chambaz traverse, livrant çà et là, quelques paysages intimes.
Réunissant en un volume le récit de ces étapes publiées en feuilleton dans les colonnes de La Croix, en août 2006, ce petit livre a toute la saveur dune belle balade dété, comme il est dailleurs bien indiqué sur la couverture. Il y a lexploit physique bien sûr, mais comme souvent avec le vélo, cet exploit est dautant plus impressionnant quil mobilise la grandeur dâme, cette vieille vertu quon ne mesure jamais mieux quà loccasion dune nouvelle «quête de linutile».
Léon Bloy, prophétisait, au début du XXe siècle : «la bicyclette tuera le livre, le théâtre et les vêpres». Chambaz lui répond après un siècle dexploits et de pages enflammées, que «lautomobile passe trop vite et pousse à lignorance» tandis qu«on ne saurait négliger la part de lâme dans une activité en apparence aussi mécanique que la bicyclette». A défaut de pouvoir enchaîner des étapes de 190 à 298 kilomètres pendant 20 jours et davoir encore le courage daffronter la page blanche après le ruban dasphalte, on pourra toujours lire ces 127 pages dodyssée légère et ensoleillée : leffort est moindre certes, mais le plaisir de la traversée, finalement, tout aussi assuré.
Thibaut de Saint Maurice ( Mis en ligne le 06/07/2007 ) Imprimer
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