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Faire entrer l'intime
Hervé Guibert   L’Autre Journal. Articles intrépides - 1985-1986
Gallimard - L'Arbalète 2015 /  19,59 € - 128.31 ffr. / 172 pages
ISBN : 978-2-07-017770-7
FORMAT : 14,0 cm × 19,0 cm

L’auteur du compte rendu : Arnaud Genon est docteur en littérature française. Il enseigne actuellement les lettres et la philosophie en Allemagne, à l’Ecole Européenne de Karlsruhe. Visiting Scholar de ReFrance (Nottingham Trent University), il a notamment publié Hervé Guibert, l'écriture photographique ou le miroir de soi (en collaboration avec Jean-Pierre Boulé, PUL, 2015) et Lisières de l'autofiction. Enjeux géographiques, artistiques et politiques (direction avec I. Grell, PUL, 2016). Il a cofondé les sites herveguibert.net et autofiction.org.
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Un an après sa création en 1984 par Michel Butel, Hervé Guibert intégrait l’équipe de L’Autre Journal. L’écrivain, qui venait de quitter la rédaction du Monde suite au départ d’Yvonne Baby, responsable des pages culturelles, ne pouvait que se retrouver dans cette entreprise journalistique innovante où les figures majeures du milieu intellectuel de l’époque (Genet, Deleuze, Duras…) intervenaient régulièrement. Hervé Guibert apporta au journal sa manière très personnelle de traiter les sujets sur lesquels il travaillait. Il y a fait, selon les mots de Michel Butel, «entrer l’intime», à travers ses mots, mais aussi ses photographies qui illustrèrent nombre de ses articles. Comme le souligne son ami Mathieu Lindon, l’ensemble ici réuni constitue une «œuvre à part entière», qui vise parfois, dans certains articles, à brouiller les frontières entre journalisme, écriture du journal et roman.

Le premier des articles, «Comment fabriquer une étoile», nous plonge dans l’univers d’Hervé Guibert. On ne sait pas vraiment ce qui nous est donné à lire – un article, une anecdote, une nouvelle ou une page extraite d’un journal intime – mais on le suit dans son monde. Bernard (Faucon, dont le nom n’est jamais mentionné) a invité ses amis dans le Lubéron. Il y donne une fête, comme il aimait le faire, et les convives assistent à un jeté de ballons. L’un d’entre eux, auquel sont accrochées la douille, la pile et l’ampoule d’une lampe de poche, se fond dans la nuit et laisse luire une petit lumière qui donne son titre au texte. Hervé et Thierry s’allongent sur le terre-plein, et observent, rêveurs, la scène. Mais on comprend, au fil des mots, que c’est de Faucon photographe que l’auteur veut nous parler. Passée l’anecdote autobiographique, il aborde les images de l’artiste, la manière dont il les «fabrique», sa «méthode», son «bricolage», les repérages auxquels il se livre. C’est parce que le travail de Bernard, comme celui d’Hervé Guibert, «sort directement de sa vie», qu’il faut en passer par la vie pour tenter de saisir l’essence de l’œuvre : «il vit comme son travail, il vit son travail, son travail vit comme lui». Guibert, comme dans ses livres et dans ses photographies, plus encore que dans ses articles du Monde, chemine par l’intime, pour évoquer ses passions, ses obsessions.

Il partage aussi avec les lecteurs l’intimité des autres. Une photo que Cartier-Bresson lui envoie, l’extrait d’une lettre que lui adresse Michel Foucault dans laquelle le philosophe raconte le plaisir qu’il a à regarder de son bureau, chaque jour, un garçon qui vient s’accouder à sa fenêtre. La visite d’un temple au Japon en compagnie de Sophie Calle se transforme en reportage (à moins que le reportage ne se transmue en récit personnel) et les textes côtoient les photographies, que ce soit les portraits d’anonymes (le perruquier de l’opéra de Lille), ceux d’artistes célèbres (Isabelle Adjani, Jacques-Henri Lartigue) ou une planche contact représentant différents moment partagés avec Thierry – son amant – pour célébrer le dixième anniversaire de leur rencontre.

Par ailleurs, les propos qu’il recueille pour la rubrique «une vie» (par exemple, ceux du chercheur aveugle préparant une thèse en esthétique, du joueur de scie musicale ou de Georges Chaulet, «le père de Fantômette») laissent transparaître une attention particulière voire même une certaine tendresse pour ses interlocuteurs qui tous prennent, sous la plume du jeune journaliste, une épaisseur quasi romanesque. La vie, toujours comme un roman.

Enfin, la curiosité de Guibert avait cela de singulier qu’elle se portait tout autant sur le milieu artistique et culturel de son temps, que sur les anonymes (cf. la rubrique «Les enfants exceptionnels»), ou les lieux insolites (les archives administratives du Musée de l’Homme qui permettent, selon l’auteur, de «recomposer toute une histoire de la photographie»).

Avec l’intégralité de ses articles à L’Autre journal, c’est une œuvre à part entière du travail de l’écrivain-photographe qui est mise à jour, révélant qu’Hervé Guibert avait su investir tous ses domaines de prédilection (littérature, cinéma, photographie, journalisme) avec la même créativité et un talent unique que plus personne ne lui conteste aujourd’hui.


Arnaud Genon
( Mis en ligne le 01/02/2016 )
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