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Drôles de dames
Ian McDonald   Roi du matin, reine du jour
Denoël - Lunes d'encre 2009 /  25 € - 163.75 ffr. / 490 pages
ISBN : 978-2-207-25981-8
FORMAT : 14cm x 20,5cm

Traduction de Jean-Pierre Pugi.
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Depuis le délicieux Jonathan Strange and Mister Norrell, on sait que le fantastique victorien et anglo-saxon se porte bien, qu'il aurait même un avenir... En ce début d'année frisquet, voici venir un roman certes ancien (1991), mais très frais, au style emballant, mi-classique, mi-fantastique : Roi du matin, reine du jour, dû à la plume de Ian McDonald (Desolation road). Un bel exercice de style et une délicate évocation de la verte Erin.

L'ouvrage se compose de trois grandes nouvelles que l'on pourrait croire distinctes, si ce n'était quelques thèmes récurrents qui, au travers des personnages et des époques, délimitent une intrigue en forme de point d'interrogation, celle du conflit, subtil, entre magie et «normalité». On démarre à l'ère victorienne avec Craigdarragh, l'histoire d'une jeune fille, Emily, isolée entre un père astronome et visionnaire, une mère poétesse inspirée, elle-même hantée par les fées locales (au point de rejouer l'épisode des célèbres photographies des fées de Cottingley), et qui devra choisir entre deux mondes. Puis l'on s'avance dans l'Irlande au sortir de la guerre civile avec Jessica, son joli minois, ses manières de poissarde et son passé en forme de mur, qui lui barre l'avenir. Le Front des mythes, seconde nouvelle de l'ouvrage, nous emmène dans une Irlande indépendante, mais toujours enfiévrée par ses mythes, avec, cette fois, une fugueuse, un noble chevalier en armure de psychanalyste et quelques êtres mythiques clochardisés pour la bonne cause. Enfin, avec Shekinah, c'est une fin de siècle (du vingtième s'entend) plus classique, avec ses mythologies modernes (katana, drogues et men in black) et ses dangers anciens...une version littéraire et poétique du très délirant Torchwood.

Roman choral ou nouvelles ? Roman, assurément, chaque nouvelle se répondant dans une chronique à la fois magique et familiale de l'Irlande : Emily, Jessica et Enye incarnent trois générations de femmes confrontées à la magie nationale. Mais la vraie héroïne de ces histoires, c'est la terre irlandaise, encombrée de mythes, de créatures magiques et surnaturelles, de sorts, de malédictions, de vestiges anciens d'une religion de la nature, de fées, de sidhes, de phage... Et sur cette terre qui ressemble à un océan battu par la magie et le progrès, la marée des mythes est matérialisée par un passage étrange, le mygmus, qui charrie une magie désormais enfuie. Que ce soit Emily, à la fin du XIXe siècle, Jessica au milieu du XXe, ou encore Enye dans une Irlande contemporaine, chaque héroïne, dans son face à face avec le mygmus, incarne un choix, celui du monde des mythes et de la magie... Un choix non pas riant, facile, mais dur, âpre, qui vous marginalise, un choix qui mène à la folie, à la souffrance, à l'oblitération même... ou à autre chose, cet Outremonde entrevu par Emily. Le monde des fées, enfer ou paradis ?

Et la forme compte, très réussie en l'occurrence : le style de Ian McDonald, très fluide, imagé, onirique même et, paradoxalement, d'une facture assez classique, porte le lecteur, un peu à la manière du Robert Holdstock de La Forêt de Mythagos. Les mises en scènes alternent : une nouvelle sous forme épistolaire pour Emily, une errance à la James Joyce pour Jessica, au cours de laquelle l'auteur bondit d'une saynète à une autre, dans un patchwork improbable qui s'entremêle habilement sur la fin, et enfin un style plus classique pour Enye.

Ian McDonald explore autant l'Irlande que la littérature et, sans parodie ni plagiat, rend hommage, dans un style brillant, à quelques grandes pages littéraires nationales. Les dialogues entre Gonzague et Tirésias, les deux clochards célestes de la seconde nouvelle, et leurs combats contre les phafes sont à cet égard de jolis bijoux un peu baroques, qui pourraient, eux aussi, attendre Godot... autre clin d'oeil à la littérature irlandaise. Bref, un fantastique subtil, qui sait éclairer l'anodin et lui donner un relief surnaturel, une touche de fraîcheur et d'irlandité (?) bienvenue. Un beau roman en tous les cas pour qui a envie de se laisser captiver par les mythes de l'Irlande.


Gilles Ferragu
( Mis en ligne le 09/03/2009 )
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