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Enfin !
Roger Zelazny   Seigneurs de lumière
Denoël - Lunes d'encre 2009 /  29 € - 189.95 ffr. / 815 pages
ISBN : 978-2-207-25913-9
FORMAT : 14cm x 20,5cm

Traduction de Claude Saunier et Mélusine Claudel.
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Roger Zelazny a ses fans, inconsolables depuis sa disparition en 1995, et qui attendent désespérément la suite des Princes d’Ambres. Comme les lamentations ne paient pas, et que le maître Zelazny tend à disparaître des étals des libraires, balayé par des générations nouvelles, il est bon de revenir aux classiques, et c’est tout le charme de ce volume. Rééditant – sous une forme augmentée – trois des meilleurs textes de Zelazny (Seigneurs de lumière, de 1967, Royaumes d’ombre et de lumière paru en 1969, et enfin L’Oeil de chat, de 1982), la collection «Lunes d’Encre» des éditions Denoël offre aux fans un beau cadeau. Et fignolé qui plus est : c’est la patron de la collection en personne, Gilles Dumay, qui s’y est collé, assisté d’une jolie plume, celle de Thomas Day, auteur maison, entre autres. Bref, un travail de retraduction, de relecture et de republication qui, ceci expliquant cela, a pris du temps… Mais ça en valait vraiment la peine !

Commençons par Seigneurs de Lumière. L’intrigue narre un combat, entre des hommes devenus, du fait de technologies avancées, de quasi dieux, organisés sous forme de panthéon. Mais l’un d’entre eux se rebelle : le simple récit d’une guerre d’indépendance SF ? Oui mais une guerre religieusement incorrecte (ou peu orthodoxe) qui oppose un panthéon hindouiste, les seigneurs du Karma, et un vengeur qui pourrait être le Bouddha, Siddhârta, mais qui préfère se faire appeler Sam. Et développant cette guerre de religions dans un paysage extra-terrestre, Zelazny donne à une intrigue déjà sympathique des couleurs originales, moitié mythologique, moitié fantastique… Une ambiance baroque, un récit poétique, onirique, quelque chose de riche, quasi inracontable, mais du grand spectacle, avec combats épiques (genre médiéval-fantastique à la sauce orientale, des capes et des épées), conversations mystiques et digressions new-age… Une odyssée surprenante et surtout un grand livre, récompensé par le prix Hugo en 1968.

Royaume d’ombre et de lumière est plus hermétique, au moins dans sa structure sinon dans son style. Il relate la lutte de Wakim, homme ou machine, nouveau-né ou amnésique, saint ou maudit, venu de la maison des morts, au service d’Anubis, contre un mystérieux immortel, le prince qui fut mille, lequel ose justement braver l’autorité de la mort… On démarre dans une mythologie égyptienne stylisée (et très éloignée du folklore égyptien, pyramides et pharaons), mais rapidement, le récit glisse dans un ailleurs peuplé de divinités bizarres, d’interludes étranges (on recommande à cet égard le chapitre intitulé Brotz, Purtz et Dulp… accouplement improbable de Beckett et de SF parmi d’autres chapitres courts et poétiques qui interrompent, ou scandent, le récit)… Une SF inattendue, qui tout à la fois captive dès les premières pages (la renaissance et le baptême de Wakim) et déconcerte sans jamais lasser, comme un pied de nez réussi et talentueux.

Le troisième roman de l’ouvrage, L’Oeil de chat, est plus classique, moins délirant (et plus accessible aussi) : dans un futur lointain, il raconte un duel entre un indien navajo et un extraterrestre métamorphe appelé le Chat, duel entre deux survivants avec, en arrière-plan, une identité indienne que Billy va devoir reconquérir pour l’emporter.

Trois romans qui exploitent des imaginaires et des mythes exotiques en SF/fantasy (l’hindouisme et le bouddhisme, l’Egypte antique customisée façon LSD, ou les légendes indiennes). A l’heure où les pseudo-tolkien n’en finissent plus de peupler des mondes d’apprentis magiciens en quête de pouvoirs ou de soldats perdus, Zelazny se distingue par ce qui fait son charme, le talent. Car depuis la disparition de la regrettée collection «Présence du futur», on doit constater que Roger Zelazny cède peu à peu la place à toute une littérature fantasy, certes sympathique, mais sans grande originalité. Les anciens conservent jalousement leurs volumes du Royaume d’Ambre et continuent de rêver aux aventures de Corwin et Merlin tandis que les jeunes se rabattent sur des nouveautés un peu stéréotypées…

Alors il faut se jeter sur cette réédition, augmentée même, de trois des meilleurs ouvrages de Zelazny, pour découvrir (ou redécouvrir, dans une belle présentation) un auteur puissant, qui surfait sur les mythes antiques pour faire de la fantasy de qualité… En attendant une belle intégrale d’Ambre ?…


Gilles Ferragu
( Mis en ligne le 25/03/2009 )
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