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Science sans conscience…
Adam Johnson   Des parasites comme nous
Denoël - Lunes d'encre 2006 /  24 € - 157.2 ffr. / 462 pages
ISBN : 2-207-25536-0
FORMAT : 14,0cm x 20,5cm

Traduction de Florence Dolisi.
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Hank Hannah est un homme arrivé : paléo-anthropologue, spécialiste d’une peuplade préhistorique appelée les Clovis (qui s’est distinguée par sa capacité à user et abuser de son environnement, jusqu’à extinction complète du genre… Ce n’est pas à nous que cela arriverait !), il est désormais installé dans une université du Sud du Dakota du Sud (localisation improbable, mais il existe également une université du Nord du Dakota du Nord, dont acte)… Il aurait même pu avoir une carrière internationale. Son premier livre, Les Exterminateurs, avait eu du succès dans les milieux universitaires…

Mais voilà, à l’époque, il fit aussi la découverte du bourbon… Fin de partie et retour à la case anonymat. Heureusement, le bonhomme jouit encore d’un certain prestige qui lui attire quelques étudiants, et pas des moins étranges : d’un côté, Eggers, dont le doctorat, largement financé par diverses bourses, consiste à vivre comme un homme préhistorique pendant une année… et cela au cœur d’un campus lambda dans une Amérique actuelle. De l’autre, Truddy, chercheuse plus conformiste, dont les idées scientifiques sont peu à peu gagnées par le militantisme féministe. De quoi satisfaire les pulsions pédagogiques de Hannah… entre autres. Jusqu’au jour où la fine équipe, tombée par hasard sur la dépouille d’un Clovis (ce qui en ferait le plus ancien homme connu sur le continent américain), décide de se lancer dans une aventure scientifique et préhistorique : exhumer le squelette et retrouver la route de la gloire universitaire. Mais ils vont tomber sur un os (facile !)… et risquer à leur tour l’avenir de l’humanité.

Tout commence comme une comédie de moeurs universitaires bien troussée à la David Lodge avec les ingrédients adéquats : le prof désabusé et cynique, le chercheur fou mais enthousiaste, l’étudiante intelligente mais dévoyée par une idéologie, le père libidineux et porté sur l’étudiante sérieuse… et le crime originel qui réunit tout ce petit monde. Puis peu à peu, on glisse doucement dans une version scientifique de Fantasia chez les ploucs, les choses vont de mal en pis et le monde coule inexorablement autour d’un Hank Hannah de plus en plus dépassé. La caricature du milieu universitaire est efficace, sur un modèle proche, en moins loufoque de Panique à l’université (de Neal Stephenson : petit chef d’œuvre sur une université future qui vire au cauchemar anarchique). On rit, on s’amuse, le milieu des universitaires est bien croqué, avec ses codes, ses valeurs, ses bizarreries… et rien qu’en cela, l’ouvrage est agréable (avec quelques longueurs toutefois).

Quelques passages d’anthologie sur les conventions universitaires ou encore sur la police scientifique (qui en prend pour son grade)… mais cela ne commence à relever de la SF (vocation de la collection Lune d’encre) qu’au bout de 300 pages… et à partir de là, de fait, ça glisse sérieusement au pays des merveilles. Car le fossile en question était enterré avec deux artefacts inattendus, des boules de terre cuite. Que contiennent-elles ? Est-ce la clef de la disparition des Clovis sur le continent américain ? Est-ce une menace pour l’humanité actuelle ? Une version préhistorique de la boite de Pandore ?

C’est un peu l’auberge espagnole, ce roman. Cela pourrait ressembler à Sphère (Michael Crichton) en version Monty Python. Les amateurs de comédie universitaire et écologiste souriront, les anthropologues et autres préhistoriens y verront le premier roman d’horreur sur leur profession (la fouille effectuée sur un mode «préhistorique» est un sommet du genre), les fans de post-apo apprécieront la deuxième partie de l’ouvrage (qui dit savant fou dit catastrophe…). On est certes parfois un peu éloigné de la SF, mais l’on pardonnera aisément à l’auteur d’avoir planté le décor avec humour et d’amener progressivement le lecteur (qui sent bien que quelque chose cloche) jusqu’au dénouement. Bref, un roman à mettre entre beaucoup de mains, pour réconcilier SF, écologie et humour. Un auteur à suivre.


Gilles Ferragu
( Mis en ligne le 29/01/2007 )
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