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Humanité mal barrée…
Gregory Benford   Au-delà de l'infini
Presses de la cité 2007 /  22.50 € - 147.38 ffr. / 423 pages
ISBN : 2-258-06690-5
FORMAT : 15,5cm x 24,0cm
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L’humanité dans quelques millions d’années : le tableau de famille s’est étoffé. Outre le genre actuel, appelé «originaux» ou «Ur-humains», vendu avec toutes ses limites, l’espèce a un peu changé. Désormais, on croise des Supras, version génétiquement évoluée de l’homme (plus grand, plus beau, plus souple, plus intelligent… la peau dorée, les articulations fonctionnant à 180°, la bouche élargie et le dos repositionné), des sigmas (sexe rétractile et ego démesuré)… et dans cette famille élargie, certains disposent du don (une forme de télépathie) quand d’autres s’en passent, accèdant de la sorte à une quasi immortalité… La société humaine en est toute bouleversée. Et si ce n’était que cela : la Terre a été déplacée d’un bras de la galaxie à un autre, les espèces qui la peuplaient ont été amenées à évoluer, à accéder à la conscience et à former des sociétés singulières, proches de l’homme. Et tout ce petit monde vit dans une sorte de paradis bucolique, occupé à entretenir la nature et à rêver dans des villes mystérieuses au temps passé. Beau et bizarre à la fois…

Mais l’histoire humaine a cela de prévisible que le jardin d’Eden y reste un mythe, non une réalité. Cley, originale et ur-humaine (c’est à dire le modèle de base, sans option) travaille, dans la Bibliothèque de la vie (un genre de banque génétique), avec un supra qui l’aime, à reconstituer les connaissances passés. Vie heureuse, scandée par quelques interrogations existentielles, juqu’au jour où des êtres étranges, transdimensionnels, les furies, attaquent la Terre et éradiquent tous les originaux… tous sauf elle, échappée par miracle et désormais dernière de son espèce. Lourd destin, et il lui faudra, accompagnée de Traqueur, l’un de ces animaux devenus conscients, quitter son ex-hâvre de paix, sa planète et l’univers lui-même pour comprendre la nature de cette extermination et des exterminateurs eux-mêmes, voire le sens de l’histoire de l’univers et ses mécanismes… Et pourquoi pas une pincée de transcendance, un zeste de religion, l’apparition du Malin et du divin… Les desseins du créateur sont–ils si impénétrables ?

Gregory Benford n’est pas un inconnu de la SF : avec le cycle du Centre Galactique ou encore Paysage du temps, il fait partie des auteurs qui comptent, au point d'être l'un des repreneurs de Fondation… Physicien, chercheur, légataire d’Asimov, ce n’est pas rien. Changement de décor avec ce nouvel ouvrage : dans un futur si éloigné que l’appelation même de SF peut paraître discutable, le lecteur, aux trousses de Cley, dernière humaine originale, scrute un monde et une société aux antipodes des nôtres en terme d’évolution. Mais en optant pour le point de vue d’une humaine de base, discutant avec des entités plus évoluées, l’auteur nous rend la tâche plus simple, moins vertigineuse. D’emblée, on nage un peu : les supras, aboutissement de l’espèce humaine, se divisent eux mêmes en de nombreuses espèces aux caractéristiques particulières, aux rituels sociaux délibérément incompréhensibles… mais peu à peu, le lecteur déconcerté finit par assimiler l’étrangeté du monde et de l’humanité future. Benford n’a plus alors qu’à s’attaquer aux barrières ultimes, l’infini et les dimensions, que Cley et Traqueur vont explorer, aventuriers post-modernes dans un monde qui rejette la curiosité et le doute, intrinsèques à la nature humaine.

C’est tout le sens de cet ouvrage, une variation sur les limites (limites de l’évolution, limites de l’univers, limites de l’esprit humain…) et sur les transgressions, un exercice sur la communication entre espèces semblables ou dissemblables… une fable sur la réalité physique de l’univers, ou des univers… un jeu intellectuel autour d’une hypothèse, celle d’une dimension qui serait tubullaire, et des êtres qui la peupleraient, une réflexion enfin sur les différents états de conscience et de réalité. Il y a un peu de tout dans ce que l’auteur lui même définit comme une «aventure transcendantale», exercice audacieux, parfois haletant, parfois hermétique, dont le style littéraire, très accessible, dissimule les audaces conceptuelles… troublant, original, mais généralement stimulant.


Gilles Ferragu
( Mis en ligne le 19/02/2007 )
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