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Meurtre dans un jardin anglais | | | S. J. Parris Le Prix de l'hérésie 10/18 2011 / 19 € - 124.45 ffr. / 452 pages ISBN : 978-2-264-05176-9 FORMAT : 13,6cm x 22,1cm
Traduction de Maxime Berrée Imprimer
Les grands détectives comptent un nouveau collègue, dont la renommée historique savère indiscutable : le philosophe (martyrisé par lInquisition) Giordano Bruno
Nous sommes au XVIe siècle, dans une Europe où lidentité religieuse vaut brevet de civilité : selon que vous êtes catholique, protestant, anglican, on vous juge ou lon vous absout, sans égards pour les détails. Cest la raison pour laquelle Giordano Bruno, dominicain défroqué, fuit la péninsule italienne, arrivant finalement à Oxford via la France.
Curieux, le philosophe italien enquête sur un manuscrit grec perdu (ou non) par Marsile Ficin, et qui ne serait, ni plus, ni moins, quun manuel ésotérique attribué à Hermès trismégiste, un sage égyptien qui fricotait avec la magie. Mais attiré à Oxford par ce manuscrit, et venu au prétexte dune disputation un duel oratoire avec un universitaire du cru , Bruno se retrouve entrainé dans une affaire bien plus réelle, bien plus sordide quune discussion sur la cosmogonie : le meurtre dun clerc, déchiqueté par un chien
et tout cela dans un jardin clos. Passionnément curieux, Bruno se lance dans lenquête, découvrant peu à peu, sous les apparences dun collège universitaire paisible, Lincoln College, et dune communauté dédiée au savoir, la face cachée dOxford, entre rivalités intellectuelles, frustrations physiques, tensions économiques et surtout crise spirituelle, à lheure où langlicanisme pourchasse de ses foudres le catholicisme résiduel. Esprit éclairé, Bruno - dont on va découvrir au passage la modernité des idées - doit savoir cheminer entre orthodoxie et hérésie, afin de découvrir non seulement le coupable, mais surtout le sens même du meurtre.
Le pseudonyme même de lauteur est un jeu : S.J. renvoie, dans le monde des congrégations religieuses, à la Societas Jesus les jésuites. Une manière, sans doute, dinterpeller encore davantage le lecteur, que cette enquête policière et spirituelle absorbe. Car louvrage se lit, et même se dévore, étayé par une érudition efficace, présentée très pédagogiquement, sans suffisance. En refermant louvrage, on en sait beaucoup plus sur les querelles religieuses du temps, la question de lhermétisme et de loccultisme à la Renaissance, latmosphère des collèges anglais et des bibliothèques humanistes
et tout cela sans avoir subi un seul cours dhistoire.
Pour esquisser une comparaison flatteuse, il y a dans ce polar érudit des accents du Nom de la Rose, qui offrait, pour le XIIe siècle et ses débats théologiques, un point de vue riche, passionnant et sans lourdeur excessive. Si S.J. Parris (Stéphanie Merritt dans le civil, une journaliste nantie dune thèse en histoire
) nest pas Umberto Eco, elle en a en tous les cas les facilités pédagogiques
et le sens de lintrigue classique : le meurtre dans un lieu clos et désert, au sein dune communauté bardée de secrets. La lecture nen est que plus passionnante.
Un excellent polar donc, et, qui plus est, une synthèse discrète et appréciable pour tout amateur dhistoire de la Renaissance.
Gilles Ferragu ( Mis en ligne le 16/03/2011 ) Imprimer | | |