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Héroïne blonde, détective manchot… | | | Heinrich Steinfest Le Poil de la bête Carnets Nord 2014 / 23 € - 150.65 ffr. / 656 pages ISBN : 978-2-35536-073-2 FORMAT : 14,0 cm × 21,0 cm
Corinna Gepner (Traducteur) Imprimer
Un nouveau roman, le quatrième traduit en français, de lautrichien Heinrich Steinfest (né en 1961), qui vit en Allemagne où il est lun des auteurs à succès, quatre fois lauréat du Prix du roman policier allemand. 635 pages complétées dun épilogue. Chaque titre de chapitre est un programme à soi seul : «De lassassinat, du style Biedermeier et de lacquisition dune maison. (
) Concert avec machine à laver (
) Beaucoup, beaucoup deau». Passe fugitivement lun des héros de Heinrich Steinfest, le policier Lukastik, amateur de Wittgenstein.
Lhistoire est totalement invraisemblable et profondément réjouissante. Anna Gemini, mère célibataire dun garçon handicapé (lest-il tant que cela finalement ?...), trouve un moyen efficace de gagner sa vie de façon indépendante : elle sinstalle discrètement comme tueuse professionnelle et pose ses exigences morales, que la victime finance son meurtre. Les affaires marchant à merveille, elle peut soffrir la maison de ses rêves et la restaurer selon ses goûts coûteux et élégants. Cest un personnage étrange et discret, obscur employé aux archives, Kurt Smolek, qui lui a mis le pied à létrier et la fournit en occasions, même si, avec le temps, elle a également construit son propre réseau. Toutefois, un jour, elle commet un meurtre de trop, celui dun ambassadeur norvégien, qui suscite lattention de plusieurs services policiers
Entre alors en scène le détective privé Marcus Cheng, chinois autrichien manchot, accompagné de son vieux chien incontinent, Oreillard, qui revient sans enthousiasme dans sa ville, Vienne.
Avec une intense jubilation, Heinrich Steinfest promène son lecteur, le perd, le retrouve, lintrigue, lamuse, linterroge. Il parie sur lintelligence du lecteur, son goût partagé pour lhumour absurde et noir. Le livre est un labyrinthe volontairement complexe : époques et lieux se croisent, tout comme Heinrich Steinfest se refuse à se cantonner dans un genre littéraire : certes il y a du policier, mais aussi des aphorismes, du roman danticipation (avec un personnage tombé du futur dans un trou temporel qui le conduit à Vienne
), du roman de murs, des interrogations métaphysiques, une secte de skate-borders
Bref, tout un univers baroque dans lequel on plonge avec délectation pour peu que lon en accepte les codes : dès la première page, le ton est donné avec la présentation dAnna, le personnage central. «Il était compliqué, en effet, dêtre à la fois une mère et une tueuse, de soccuper dun enfant lourdement handicapé tout en assassinant de parfaits inconnus sur lordre dinconnus tout aussi parfaits».
Marie-Paule Caire ( Mis en ligne le 20/01/2014 ) Imprimer
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