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Littérature -> Policier & suspense |
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Cornwell Inc, entreprise bushienne | | | Patricia Cornwell Baton Rouge Le Livre de Poche 2005 / 8 € - 52.4 ffr. / 605 pages ISBN : 2-253-11192-9 FORMAT : 11x18 cm Imprimer
Baton Rouge y a perdu son accent circonflexe, mais gagné une qualité superlative : lancien comptoir français est la ville des Etats-Unis qui compte le plus grand nombre de crimes, est-il placardé au dos du dernier opus de Patricia Cornwell. Est-ce exact ? Non, ce sont Houston et Washington qui en réalité détiennent ce triste record. Mais quimporte, la championne du thriller réaliste et scientifique ne se soucie de véracité que lorsque la vérité sert sa cause. Et cest bien son droit de romancière.
Pourtant, comme un parfum de nudité affleure dans Baton Rouge, dont lexhalaison dérange, remugle monté du fond dune eau mauvaise en même temps que le visage ressuscité de Kay Scarpetta, lhéroïne qui a fait la gloire et la fortune de Patricia Cornwell. Bien sûr, le PDG de Cornwell Enterprises (elle exerce un contrôle serré de la commercialisation de ses droits, comme beaucoup de best-sellers américains) rend toujours à ses clients le service prévu au contrat : une visite guidée dans les noirceurs de lâme humaine. Mais, à cet excellent produit de grande consommation, lemballage et le cadeau bonus auquel nous étions habitués - une forte empathie des personnages, une maîtrise de la narration croisée - font cette fois défaut.
Du coup, le contenu apparaît dans sa pauvre réalité. Sous lapparente originalité des personnages récurrents du feuilleton Scarpetta - Marinon, flic obèse et macho, Lucy, génie de linformatique probablement lesbienne - pointe un conservatisme sans imagination. Lintrigue, jusqualors simplement basique et violente, libère ici des décharges de haine, larvaire dans les précédentes aventures, parvenue à maturation sous le soleil malsain de lAmérique de Bush. Scarpetta/Cornwell sen donne à cur joie : elle naime pas les geignards, elle abhorre les Français, elle vomit les méchants. Surprise, tout cela ne fait quun : le méchant parmi les méchants, Jean-Baptiste Chandonne, serial-killer et loup-garou contrefait (le mal est donc inné), gémit en français dans le texte, dans la cellule où la conduit la précédente intervention du Docteur Scarpetta. Bien sûr, il est impuissant, ce qui ne lempêche pas de nourrir dignobles fantasmes à légard de Kay. Hélas, il va séchapper, et il va falloir le punir à nouveau. En le tuant cette fois, car la justice et le système carcéral américain sont décidément trop laxistes.
Au bout des 440 pages, il naura toutefois pas été explicitement achevé, ce qui laisse de bonnes perspectives au chiffre daffaires du prochain exercice de Cornwell Enterprises. En revanche, le commando Scarpetta élimine quelques acolytes du méchant, eux-mêmes méritant la mort. Lucy, la douce nièce de lhéroïne, exécute avec un complice le propre avocat du monstre. De toutes façons, les méchants lauraient éliminé, tente-t-elle dexpliquer. La raison profonde est autre : le bavard en question, qui sert aussi les intérêts dun gang international (dirigé bien sûr par un Français, père de Chandonne) était en fait le père de Marino, le bon flic macho. Lavocat véreux na donc pas seulement choisi le mauvais camp, il a trahi son sang. Dans lunivers de Cornwell, il y a non seulement les bons et les méchants, mais leur départage est de race, de sang. Une tentative de justification est néanmoins avancée, probablement pour les lecteurs et lectrices un peu bégueules. Et elle est édifiante : «Il le fallait (
), nous navions pas dautre solution. Ce nest pas très différent de ce quont fait les soldats en Irak, tu comprends ?» (p.291). On comprend. Mais faut-il acheter un ouvrage de Cornwell Inc. à l'ère de Bush III?...
Jean-Michel Cedro ( Mis en ligne le 25/04/2005 ) Imprimer
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