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| Yoko Tawada L'Oeil nu Verdier - DER DOPPELGANGER 2005 / 13 € - 85.15 ffr. / 200 pages ISBN : 2-86432-449-0 FORMAT : 14,0cm x 22,0cm Imprimer
Née en 1960 à Tokyo, venue pour la première fois en Europe en 1979 par le Transsibérien, Yoko Tawada vit aujourdhui à Hambourg, indique la quatrième de couverture de LOeil nu, quatrième roman de lauteur, quon a du mal à sempêcher de présumer partiellement autobiographique.
Lhistoire est celle dune jeune vietnamienne qui quitte son pays un peu malgré elle pour lEurope ; lAllemagne dabord (Berlin, Bochum), puis Paris, où se situe lessentiel de laction du livre. Road movie mâtiné de quête initiatique, LOeil nu brille moins par le récit du déracinement qui lui sert de trame que par le choc permanent des valeurs communistes de lhéroïne à celles de la culture capitaliste orientale quelle est forcée dappréhender.
Un sentiment de nostalgie, présent dès les premières pages, touche dabord à la nourriture ; nostalgie des saveurs du Vietnam natal, désappointement face au gras de la nourriture européenne. Un gras qui se pare au fil des pages dune dimension métaphorique, finissant par symboliser lopulence occidentale dans tout ce quelle a dinacceptable aux yeux dun individu formé par le communisme ; formé ou formaté ? Yoko Tawada pose la question sans vraiment y répondre, préférant sintéresser aux conséquences émotionnelles du désordre intellectuel auquel elle confronte son personnage. Lhistoire reste donc celle dune aventure humaine, nourrie par les rencontres et les situations de la vie réelle, tout autant que par limaginaire de lhéroïne, quelle alimente de façon obsessionnelle dans les salles de cinéma où elle voit et revoit des films dans une langue quelle ne comprend pas, mais dont lactrice principale, toujours la même, laide par la fascination quelle lui inspire à cristalliser ses doutes pour mieux les accepter.
Le second personnage du livre, cest Catherine Deneuve, à laquelle il sadresse, et dont chacun des chapitres porte le titre dun film dans lequel elle a joué, tout en sy référant abondamment. Avec habileté, Yoko Tawada parvient à moduler son propre récit à ceux des histoires décrites dans chaque film quelle évoque. De «Répulsion» à «Dancer in the dark» en passant par «Belle de jour», cette énumération dhistoires imaginées par dautres finit paradoxalement par extraire lactrice du domaine de la fiction pour lui faire jouer le rôle de celle quelle est vraiment : licône française par excellence. Vue par une immigrée vietnamienne à Paris, parfaitement étrangère à son monde, et le fréquentant pourtant dans sa géographie.
Stéphane Rose ( Mis en ligne le 11/11/2005 ) Imprimer | | |
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