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De père en fils, de fils en père
Philippe Torreton   Jacques à la guerre
Plon 2018 /  19,90 € - 130.35 ffr. / 366 pages
ISBN : 978-2-259-26364-1
FORMAT : 13,5 cm × 21,0 cm
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Plus vous criez moins vous êtes crédible. Dans ce roman, Philippe Torreton, tout en nuances affectives, murmure à l'oreille des lecteurs la vie de Jacques, son père qui a subit (littéralement) deux guerres, la Seconde et celle d'Indochine. Il la met en scène, cette vie, avec l’œil de pro qu'on lui connaît, une mise en scène minimaliste ; la guerre rajoute assez au malheur des hommes.

Jacques coule une vie paisible à Rouen dans une famille sans histoire, une mère très pieuse, de ces "mères au foyer qui prient sans connaître l'enfer des combats un dieu maison qui n'a jamais quitté Rouen", un père commis voyageur en vêtements masculins "protégés de papier de soie". 1936 et les congés payés ont quelque peu chamboulé ce petit négoce, "le vêtement devait suivre le mouvement social". "Mon père avait tout ça dans sa voiture, l'ancien et le nouveau monde".

Le jour de sa communion, la Seconde Guerre mondiale fait son entrée tonitruante dans la vie de Jacques, mettant sa bonne ville à sac, Rouen dépecée, éclatée, bombardée, une Normandie dévastée et l'avenir des humains réduit à rien. Au lendemain de la guerre, c'est encore la guerre et le jeune Jacques hésite entre un avenir de jardinier et l'armée : "je m'étais dit que c'aurait été bien de partir et l'armée m'avait semblé la seule agence de voyages qui fonctionnait".

En 1947, le père tant aimé meurt d'une crise cardiaque - le grand-père de Philippe donc. "On était sortis indemne du merdier mondialisé", "pour faire bon poids le bon dieu avait rajouté la mort de mon père". Jacques décide de s'engager. "J'y allais parce que tout m'emmerdait, parce qu'on m'avait volé mon enfance à coups de bombardements, parce qu'on avait détruit ma ville, mon panorama, mes rêves".

La guerre sera désormais exotique, l'Indochine, ses paysages époustouflants mais dangereux, la baie d'Ha Long sous tirs nourris, la terrible bataille de Dien Bien Phu, le retour à Marseille dans un rafiot dont la coque quoique de noix geignait moins que les soldats blessés à bord. Les flashs backs dans l'écriture témoignent de la violence des combats, de la perdition des hommes, de l'incompétence de l'état France.

Il y a une véritable osmose entre Philippe et Jacques ; Philippe raconte la vie de Jacques à la première personne, exercice périlleux mais ici maîtrisé haut la main. Torreton, avec toutes ses distinctions, son talent, plonge dans le portrait paternel avec respect et modernité ; il met dans la bouche de son père un discours actuel, sur la guerre, les guerres, avec une lucidité politique décantée de la gangue de l’instant vécu. Le récit est parsemé de nombreux chapitres très courts en italiques qui, toujours à la première personne, décrivent par le prisme du respect et de la tendresse la fin de vie en service de soins palliatifs de ce père au parcours sillonné de deux guerres, la grande et la coloniale... un homme très entouré, d'ailleurs décédé depuis peu, pendant la rédaction du roman, on présume.

L'œil de l'homme de théâtre est résolument visuel et intemporel, il questionne l'adaptation de l'individu à la guerre et sa méconnaissance. Paul Valéry disait : "la guerre, c'est le massacre de gens qui ne se connaissent pas au profit de gens qui se connaissent et ne se massacrent pas". En épigraphe, Philippe Torreton écrit : "à ces hommes, tous ces un plus un d'hommes, toutes ces gouttes d'hommes que l'océan de l'Histoire rend invisibles".

De son père, il a fait une goutte d'eau unique, particulière, singulière, dont l'océan des hommes pourrait s'inspirer pour avancer. Le devoir de mémoire est un exercice difficile dans une famille, la recomposition des événements et l'adéquation à l'histoire nécessitent beaucoup de documentations ; l'auteur a su s'entourer des meilleures sources, et le récit s'en ressent.


Raymonde Roman
( Mis en ligne le 15/10/2018 )
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