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1975-2000... et au-delà...
Entretien avec Serge Joncour - (Nature humaine), Flammarion, Août 2020)


Serge Joncour, Nature humaine, Flammarion, Août 2020, 400 p., 21 €.
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Parutions.com : Pouvez-vous nous présenter votre dernier roman en quelques mots ?

Serge Joncour : Ce roman, c'est l'histoire d’une famille sur 25 années ; c'est en même temps celle de la France, et aussi celle du monde, de 1975 à 2000. L’an 2000, vu depuis les années soixante-dix, c’était comme un grand rendez-vous, quelque chose qui devait être important et qui, finalement, est arrivé. En parallèle, le roman signale toutes les mutations sociales, les changements dans les vies, à la compagne, à la ville... Je voulais proposer un panorama de ces années-là. D'ailleurs, idéalement, je voudrais faire la suite de cette séquence, de 2000 à 2020.

Parutions.com : Qu'est-ce qui vous a inspiré pour créer cette histoire ?

Serge Joncour : J'avais en tête Le Docteur Jivago de Pasternak, un roman où l'on suit sur plusieurs années, des décennies même, deux personnages en particulier, leur histoire d'amour, comment ils se perdent et se retrouvent, avec l'histoire de la Russie, en fond. Il y a plusieurs romans dans la même veine, comme celui de Jean-Paul Dubois, Une vie française, qui suit son personnage sur plusieurs décennies avec son époque en arrière plan. C'est une difficulté certaine de concevoir un roman sur une époque passée, comme cela le serait d'un film, parce qu'il y a beaucoup de personnages qui changent sur 30 ans, surtout entre les années 70 et l'an 2000. Arrivent le téléphone et la télévision, dans certains cas les voitures, les hypermarchés ; tout change. Pour le romancier que je suis, il faut, chaque fois, se plonger dans le bain d'une époque très différente, soit par l'effort de la mémoire, soit par la documentation, pour rester juste.

Parutions.com : En quoi a consisté votre processus d'écriture pour ce roman ? Combien de temps cela vous a-t-il pris ?

Serge Joncour : Un peu plus d’un an, quinze mois environ. Je voyais hier un documentaire sur Romain Gary qui devait écrire plusieurs romans par an, et son premier roman alors qu'il était aviateur, c'est-à-dire en guerre ; il écrivait la nuit ! Parfois, j'ai le sentiment que c'est très long, un an. Parfois, j'ai le sentiment contraire, que c'est rapide. C’est comme si j'étais un acteur qui joue dans un film. Je suis dans l'histoire, je suis transporté dans l'époque. En fait, j'écris quelques heures par jour mais je suis tout le temps en train d'y penser. C'est aussi un travail d'y penser, de se dire que finalement on va se lancer dans cette scène-là, on prend des notes. Et puis, le lendemain ou deux heures après, on s'y remet. Par ailleurs, ce roman était beaucoup plus long. J'ai dû supprimer plus de cent pages. Je l'ai remis en février dernier, à un moment où l'on sentait déjà que quelque chose était en train de se passer, qu'il fallait aller vite. J’ai le sentiment d'avoir jeté des choses par-dessus bord, en me disant que c'était trop lourd, qu'il fallait garder l'essentiel.

Parutions.com : Quel était le personnage le plus compliqué à écrire dans le roman ?

Serge Joncour : Le plus difficile, c'était de maintenir la relation entre Alexandre et Constanze, sachant déjà qu'ils sont très différents et qu'ils ne sont pas censés se rencontrer. Et puis après, de leur faire poursuivre cette relation alors qu'ils vivent à des milliers de kilomètres. C'était ça le challenge, de créer une histoire d'amour, de créer une relation sur 20 ans entre deux personnes qui ne se voient que tous les 4-5 ans. Ce n'est pas très courant, mais c'est possible. Mon défi était de sonner de manière juste dans le récit de chaque moment où ils se retrouvent, pourquoi ils se retrouvent et ce qui fait qu'ils sont encore animés par cette séduction, cet amour, ce lien.

Le challenge aussi, c'était quand même ce que je disais il y a quelques minutes, c'était de suivre sur la longueur plusieurs personnages, Alexandre, trois sœurs, les parents, les grand-parents, Constanze et les amis de Constanze, tous ces gens qui restent dans le paysage du récit. Quand on se propose d'écrire sur 10, 20, 30 ans, dans un décor qui n'existe plus, pour, petit à petit, rejoindre un décor qui ressemble à celui d'aujourd'hui, avec une trentaine de personnages, par moments, à tenir, tout cela peut être un peu affolant ! C'est un peu comme un metteur en scène qui choisit soit de faire Fenêtre sur cour soit Apocalypse Now. Les auteurs, je les vois d'ailleurs un peu comme des metteurs en scène, comme des scénaristes metteurs en scène, car il s'agit d'inventer la narration et en même temps de la mettre en place, de la faire vivre. Sur de longues périodes, avec beaucoup de personnages... c'est difficile... c'est difficile. Moi je rêve d'écrire sur un personnage unique et ses pensées sur trois jours, dans un périmètre bien défini ! Pour écrire son roman, il faut donc avoir envie, vraiment, il faut le désirer pour être bien dedans.

Parutions.com : Qu'espérez-vous que les lecteurs retirent de ce roman ?

Serge Joncour : Il y a plusieurs choses, et, en tout cas, je peux dire qu'il y a deux axes de lecture. Il y a les lecteurs qui ont vécu ces années-là, ces évènements. Et puis il y a ceux qui ne les ont pas vécues, qui n'étaient pas nés, qui peut-être découvrent cette histoire, même si elle est très récente. Il y a eu toutes ces crises, la «vache folle», avant cela Tchernobyl, et puis les canicules. Et le roman se termine sur la scène de la grande tempête de décembre 1999. En fait, c'est cela le moteur, l'idée du livre, cette tempête, pour moi qui l'avait vécue à la campagne. J'ai le souvenir d'avoir eu très peur, peur de voir la maison et les autos s'envoler, et de me demander ce qui se passait. C'était pas possible. Et de rester ensuite plusieurs jours sans électricité. Tchernobyl, pareil. L'explosion du réacteur russe. Le jour où on apprend ça, ça fait très peur ! Un réacteur en feu, qu'on ne peut pas éteindre, sans pouvoir arrêter non plus les particules radioactives, alors qu'en France, on continuait de construire beaucoup de centrales. C'est un peu comme le virus aujourd'hui, dont on ne sait pas s'il est là, contre lequel on se lave frénétiquement les mains. Cette peur panique là. Or finalement, on oublie. A chaque fois, on oublie. On a oublié le SIDA, ces moments ; on a beaucoup oublié.

J'aime bien écrire sur ces moments-là, quand tout le monde est dans la même séquence historique, dans la même barque, cette forme de communion d'une civilisation. Il y a un moment, quand, français, américains, peu importe, on est rattrapé par cette idée-là, d'être un gigantesque troupeau, des mammifères. Pour nous rappeler que nous sommes des animaux et qu'avec d'autres animaux, nous nous communiquons microbes et virus. Il faut alors avoir un comportement qui n'est pas individualiste, mais qui est concerné par le fait d'être un parmi d'autres. C'est difficile. On a du mal. En Asie, ça semble plus facile. Mais dans notre civilisation occidentale, nous sommes totalement arcboutés sur cette idée d'être unique, que c'est difficile de mettre un masque pour les autres ou de faire comme les autres. C'est aussi ce genre de tableau que j'avais en tête pour le roman, sans du tout imaginer ce qui allait nous arriver ! Moi, je voulais, pour 2020, dans la fiction, créer une catastrophe écologique : tous les arbres perdraient leurs feuilles. Et qu'est-ce qui s'est passé ? Finalement, je suis un peu dérouté dans mon projet !

Parutions.com : Concernant l'écriture, êtes-vous plutôt «manuscrit» ou «tapuscrit» ? Les nouveaux outils technologiques influencent-ils votre écriture ?

Serge Joncour : Je prends des notes à la main, partout. Il y en a plein le bureau ! Et parfois, j'oublie. Parfois même, je ne peux pas les relire ! Je prends beaucoup de notes Cela m'aide aussi, quand j'écris à l’ordinateur et que je suis à court d'idée, de prendre une feuille et noter ce qui vient. C'est un processus qui doit aussi au hasard. Mais arrive un moment où je suis aidé par l'ordinateur parce que cela met le roman en forme, cela annonce le livre à venir. C'est alors plus facile pour moi d'être critique et moins complaisant parce que l'apparence d'un livre, de la page, fait que c'est comme si quelqu'un d'autre avait écrit ces passages, que je suis donc en train de relire, de relire et de juger. Aussi, je tape vite, peut-être parce que j'ai fait du piano. Parfois, quand je prends des notes manuscrites, l'écriture n'est pas assez rapide alors que, à l'ordinateur, cela va à la bonne vitesse pour moi. Sans l'ordinateur, cela aurait été beaucoup plus dur ; je mettrais sans doute plus de temps.

Parutions.com : Que faites-vous de ces fichiers numériques ? Est-ce que vous sauvegardez différents fichiers avec chaque version du texte, pour en conserver le métabolisme, les coupes et les repentirs ?

Serge Joncour : Je fais des sauvegardes plusieurs fois par mois. Mais je le fais uniquement par peur de perdre le fichier du roman, car ce serait une catastrophe. Mais je ne veux pas avoir trop de fichiers, trop de versions. Pour l'avenir et comment les étudiants et les chercheurs analyseront cela, c'est très mystérieux. C'est vrai que l'on perd la dimension physique du manuscrit. Par contre, ce qui est intéressant, c'est quand même d'avoir le texte tel qu'il a été décidé finalement par l'auteur.

Parutions.com : Sur France Inter récemment, vous avez posé la question de la place et du rôle d'un écrivain sur Instagram. Pourriez-vous nous parler un peu de votre rapport en tant qu'écrivain aux médias sociaux ?

Serge Joncour : Les médias sociaux permettent de voir l'univers de l'écrivain, un peu, parfois. Pour voir son environnement, ses décors, les voyages. Je mets sur Instagram des photos quand je me déplace, quand je suis dans une ville ou une autre, un moment, quelque chose de joli ou quelque chose d'étrange. Pendant le confinement, Instagram permettrait de voir qui était à la ville, qui à la campagne. Mon Instagram renvoie d'ailleurs un peu au personnage de mon roman, ce personnage qui vit dans la nature, à la campagne. Je pense aussi qu'il y a un an, on n'aurait peut-être pas eu le même regard sur lui, sur tout cela. Pendant le confinement, je faisais les corrections du roman. Puis il est parti à l'imprimerie. Je sentais alors que, finalement, on se mettait tous à rêver d'être là où vit mon personnage, à rêver d'avoir un peu sa vie. À l'accueil du livre, encore plus. On aimerait pouvoir vivre comme lui... et il n'a pas encore Instagram puisqu'on s'arrête en 2000. Ce serait d'ailleurs intéressant d'imaginer comment on aurait vécu ce confinement s'il n'y avait eu ni Instagram, ni Tweeter, ni Zoom, seulement le téléphone comme dans les années du roman. Là, ça aurait été dur !

Parutions.com : Vous travaillez déjà sur de nouveaux projets ?

Serge Joncour : En ce moment, je suis sur des textes que l’on m'a demandés, et ça m'amuse ! J’ai un projet en tête, pour un magazine, écrire une histoire de nous aujourd'hui, sur ce qui se passerait aujourd'hui si l'on n'avait jamais de vaccin sur le virus. Sur une dizaine de pages. Maintenant, le grand projet que j'ai en tête, et sur lequel j'ai déjà 200 pages de notes, c'est la suite de ce roman, 2000, 2001, 2003. Comment vont mes personnages ? Ils sont différents, peut-être plus conflictuels... C'est un nouveau départ pour moi, avec eux. Pas un roman sur un personnage enfermé chez lui, et qui regarde à la fenêtre. Ca, ce sera peut-être pour plus tard...


Entretien réalisé par Zoe Howard, le 7 décembre 2020
( Mis en ligne le 18/12/2020 )
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