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Beaux arts / Beaux livres -> Peinture & Sculpture |
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Ces morts, je les relèverai | | | Collectif Paul Landowski Somogy 2004 / 30 € - 196.5 ffr. / 104 pages ISBN : La pierre d'éternité FORMAT : 24x28 cm
Catalogue dune exposition qui sest tenue à lHistorial de la Grande Guerre à Péronne (Somme) du 2 mars au 25 avril 2004.
L'auteur du compte rendu : Béatrice Brengues a une formation d'historienne de l'art, elle s'intéresse aux arts décoratifs du XXe siècle et poursuit des recherches sur le sculpteur Joachim Costa. Elle travaille parallèlement à Drouot chez un commissaire priseur. Imprimer
Il est important de rappeler que lhistoire de lart moderne ne se résume pas à celle des avant-gardes. Cest chose faite avec cet ouvrage sur Paul Landowski (1875-1961) qui était un artiste bien de son temps. Le sculpteur a eu largement accès à la commande publique et commémorative où il a pu exprimer son style figuratif et monumental. Ce style est longtemps resté injustement connoté par les esthétiques prônées par les dictatures de lentre-deux-guerres et l,on na pas toujours su en apprécier la beauté. Il est remis ici à lhonneur à travers loeuvre de Landowski dont lhumanisme et la spiritualité transcendent les époques.
La préface et lavant-propos, «Le geste inspiré», ainsi que la quatrième de couverture nous laissent entendre que cet ouvrage tourne autour du monument «Les fantômes» planté non loin de lHistorial organisateur de lexposition. Ceci semble a priori plutôt cohérent, mais les textes, au demeurant fort intéressants, séloignent de ce fil rouge et donnent la sensation dun ensemble assez décousu. Il ne sagit donc pas du plus pertinent des livres sur le sculpteur, mais, bien que monographique, il reste un bon point de départ pour qui cherche à mieux comprendre le sens et les processus de la statuaire publique, car Landowski est un représentant significatif de cet art-là.
Comme la majorité de ses contemporains, Landowski est lauteur de nombreux Monuments aux Morts. Dans la suite logique de la «statuomanie» caractéristique de la Troisième République et comme catharsis face à lhécatombe de la Première Guerre mondiale, les Monuments aux Morts fleurissent sur tout le territoire. Landowski en crée plus dune quinzaine qui restent parmi les plus représentatifs. Ce succès nest pas seulement le résultat de linsatiable besoin de mémoire, il provient des motivations intrinsèques de lart de Landowski et de sa virtuosité à trouver une justesse de propos nécessaire à ce genre douvrage. Bruno Foucard développe dans son texte «Spiritualité et héroïcité chez Paul Landowski» les leitmotiv du sculpteur, exprimés dans son projet précoce (dès 1904) de lensemble monumental, Le Temple de lHomme, auquel il travailla toute sa vie sans jamais lachever. «Ainsi, Landowski, dès ses vingt cinq ans pressentait son grand oeuvre, savait quil devait se consacrer à lévocation de lhistoire même de lhumanité, à la plus noble des incarnations humaines, à travers le héros, celui qui porte les espoirs dun monde meilleur[...]». Le thème récurrent du héros donne une vision optimiste et digne, il met en avant lexemplarité de lhumain mais aussi son universalité, autant déléments qui participent à la modernité idéologique du sculpteur. Lart de Landowski repose sur des concepts bien plus que sur un style. Cest dailleurs sa puissance spirituelle qui lui permet de saffirmer dans la monumentalité.
Les Fantômes est un monument marquant qui est resté longtemps à létat de projet. Michèle Lefrançois en dissèque les étapes depuis sa première esquisse en 1919, en passant par le succès au salon de 1923, le choix de lemplacement en 1928 jusquà linauguration en 1935. En nous faisant revivre la gestation du monument, on se rend compte que, malgré sa forte matérialité, la sculpture nest pas un genre empesé et figé. Elle retrace les tâtonnements iconographiques de lartiste pour trouver lexpression juste de son idée quil résume en ces mots: «Ces morts, je les relèverai». Il représente alors sept soldats de différents régiments avec, au milieu, la figure du jeune héros mort qui semble senvoler. Il mélange les détails du temps présent au symbole de léternité, la massivité du bloc à lincertaine présence dectoplasmes, le politique à lartistique.
Au-delà de cette Pierre déternité, Paul Landowski a laissé un fond documentaire important (dessins et écrits) dans lequel les auteurs ont su piocher pour nous faire partager les doutes et linspiration du créateur. Catherine Giraudon dans son texte «Autopsie dun journal» délivre la substance de ses notes personnelles. Elle nous met leau à la bouche et l'on en vient à se poser la question suivante : aura-t-on un jour le plaisir le voir ses journaux enfin publiés ?
Béatrice Brengues ( Mis en ligne le 12/07/2004 ) Imprimer | | |
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