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Beaux arts / Beaux livres -> Peinture & Sculpture |
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Du manque de fini à l’Infini | | | Katharine Lochnan Collectif Turner Whistler Monet RMN 2004 / 39 € - 255.45 ffr. / 262 pages ISBN : 2-7118-4727-6 FORMAT : 24x30 cm Imprimer
Que démotions dans cette exposition Turner Whistler Monet ! Organisée par le Musée des Beaux arts de lOntario à Toronto, la Réunion des Musées Nationaux et le Musée d'Orsay en France, et la Tate Britain, elle a été présentée à Toronto du 12 juin 2004 au 12 septembre 2004, à Paris du 11 octobre 2004 au 17 janvier 2005 et sera à Londres du 10 février au 15 mai 2005.
Nous sommes ici aux origines même de limpressionnisme ; le tableau de Monet «Impression soleil levant» donna dailleurs son nom au mouvement. Turner, Whistler, Monet ont chacun eu les honneurs dune grande exposition rétrospective «mais aucun projet navait encore rapproché des ensembles significatifs de leurs uvres pour montrer que quelque chose dimportant pour lhistoire de la peinture moderne sest joué entre elles».
Cette exposition «interroge aussi dans la durée, les relations, les échanges dinfluence, les jeux déchos perceptibles entre les trois uvres», elle permet enfin une réflexion sur le «manque de fini» qui oppose les peintres de tradition académique à ceux de «la nouvelle peinture».
Plus de cent uvres sont exposées, de lhéritage de Turner, en section un, au passage de réalisme à limpressionnisme pour Monet et Whistler en section deux, de lart musique et esthétique du lieu dans les nocturnes de Whistler en section trois au portrait et paysage : Mallarmé, Whistler, Monet en section quatre, du retour vers la Tamise avec Whistler et Monet en section cinq à lépilogue : Whistler et Monet sur les pas de Turner à Venise en section six. Ce voyage en brumes impressionnistes imprègne la rétine jusquau fond de lâme.
La Tamise, la Seine et la lagune de Venise, en cette deuxième moitié dun XIXe siècle industriel, engendraient odeurs pestilentielles, mauvaise visibilité (le smog) et nombre de maladies. Leau, lair, sources renouvelées dinspiration pour les trois artistes, produisaient des effets visuels inédits, des paysages éphémères aux effets transitoires quils cherchent à reproduire dans la spontanéité, par «laspect translucide de laquarelle» pour Turner et Whistler, par «les couleurs et la texture du pastel» pour Monet. Le jour de sa mort, Turner évoquait encore «le rideau nuageux sur la Tamise». Cette «poétique de la pollution», comme un lien entre poésie et peinture, les trois artistes lont cherchée, et lont trouvée. Turner chez Lord Byron, Whistler et Monet chez Baudelaire et Mallarmé.
Le catalogue de lexposition, sous la direction de Katharine Lochnan, du musée des Beaux Arts de lOntario, est dune très grande qualité. De lavant propos à la chronologie remarquable de précision, les textes écrits par les plus éminents spécialistes canadiens, anglais, français, font partager à un public averti ou néophyte la passion, laventure, lémotion, la créativité de trois artistes majeurs aux destins croisés, aux aspirations communes, ayant produit des uvres qui les unissent de génération en génération dans limmortalité.
Le dialogue qui sétait instauré entre Turner, Whistler et Monet prit fin en 1908, devant les palais vénitiens, face à la lagune ; pour Octave Mirbeau, «un dernier acte
na pas dautre décor que Venise». Pour le visiteur, le point dorgue de lexposition restera la même Venise éternelle, saluée par Apollinaire, décrite par Proust, et, avant de quitter ce monde de limpression pour rejoindre la réalité de Toronto, Paris ou Londres, il se surprendra à penser : Voir les Venise de Turner, Whistler et Monet et mourir un peu !
Raymonde Roman ( Mis en ligne le 28/01/2005 ) Imprimer | | |
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