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Une passerelle entre architecture et ingénierie | | | Antoine Picon Marc Mimram Architecte-Ingénieur - Hybrid[e] Editions Infolio - Ante Prima 2007 / 38 € - 248.9 ffr. / 239 pages ISBN : 978-2-88474-026-5 FORMAT : 21,5x27,7 cm
Français, Anglais, Chinois.
L'auteur du compte rendu : Emmanuel Cros est diplômé du Bauhaus de Weimar en Allemagne. Il exerce comme architecte libéral à Paris.
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Marc Mimram, architecte-ingénieur et professeur à lEcole darchitecture de la ville et des territoires de Marne-la-Vallée, raconte quen entrant à lEcole des Ponts et Chaussées on avait vite fait comprendre au jeune étudiant quil était quil ne construirait probablement jamais de pont
Cest bien autrement que lavenir se dessina. «Les ponts de toute sortes, passerelles piétonnes, ponts urbains, ouvrages autoroutiers, occupent une place privilégiée dans luvre de Marc Mimram» (p.17), comme le démontre Antoine Picon, professeur dhistoire de larchitecture et des technologies à luniversité de Harvard à Cambridge, auteur de cette première monographie.
A contrepied dune ingénierie "orthodoxe" qui instaure par sa rationalité excessive quil ny a quune solution optimale exclusive à un problème posé, Marc Mimram mêle intuition et calcul, réalité et fiction, pour réinterpréter les programmes selon leurs situations et aboutir à des créations spécifiques. Doù le «caractère mixte ou hybride de sa production» (p.153) quil sagisse des ouvrages de franchissements, des halles de sports, des grands équipements publics ou de quelques projets de logements.
Antoine Picon a intercalé trois textes parmi les sélections de réalisations pour développer trois concepts clés éclairant luvre dans son entier. Le premier, celui d«appartenance», consacre la mémoire collective qui fait de chaque opération un projet situé, dans un contexte local influencé et réactif au commerce des solutions génériques. «Lappartenance est ainsi indissociablement déstabilisation et réaffirmation de la permanence de certains éléments» (p.75). Cette tension entre le général et le particulier est productrice de structures inattendues pourtant inscrites dans une généalogie des formes que revendique Marc Mimram qui se déclare dans la continuité de «la tradition initiée par le fondateur de lEcole des Ponts et Chaussées» (p.21), lingénieur Jean-Rodolphe Perronet (1708-1794). Sept réalisations reflètent ce premier concept sous des angles différents, dont la passerelle sur le Rhin entre Strasbourg et Kehl (2004) qui relie les rives française et allemande dans un symbole de ré-union.
Le deuxième concept, celui de la fabrique, savère le plus pertinent au regard de lensemble de la production de Marc Mimram. Cette notion dépasse largement lidée technicienne de mise en uvre ; elle peut sentendre comme «un art de la transformation» (p.75) qui conserve la mémoire du processus (de lélaboration à la concrétisation) sans pour autant en faire le seul propos démonstratif de louvrage construit. Antoine Picon décrit une «mise en relation de nature dialectique entre les différentes dimensions quelle fait intervenir, la matière ou la matérialité, la géométrie, le calcul et le façonnage entre autres» (p.79).
Les photographies éclairent habilement ce propos par des vues multiples des différentes phases de l'exécution des dix-huit projets réalisés sélectionnés dans ce livre. La passerelle Solférino (1999), véritable espace public sur la Seine à Paris, est la création la plus emblématique des huit réalisations présentées dans ce chapitre. Elle illustre avec brio la définition de lingénieur Robert Le Ricolais (1894-1977) de «la pensée des structures comme lart de disposer les vides» (p.85) que Marc Mimram semble avoir fait sienne dans de très nombreux ouvrages à l«ossature poreuse» (p.11) où la lumière est consubstantielle de la structure.
Dans le dernier texte intitulé «architecte et ingénieur», Antoine Picon observe qu«en même temps quelle constitue une sorte dexception, la carrière de Mimram reflète un certain nombre dévolutions qui conduisent à se reposer de manière neuve la question des rapports entre ingénierie et architecture» (p.149) Lauteur examine les réponses multiples à cette question, que lon peut lire dans les créations de Marc Mimram, notamment les plus récentes et les plus surprenantes quil lui est permit de construire en Chine. Cest là-bas dans ce moment de croissance effrénée avide de nouveauté que la trilogie "pensée-calcul-fabrique", encore influencée par les conditions locales une main duvre très abondante, se révèle génératrice de solutions tout à fait inattendues. Marc Mimram parle à ce sujet de «lartisanat numérique» comme dune nouvelle pratique de loutil informatique pour repenser la matérialité des constructions en lien avec leur capacité de production. Des projets présentés dans cette dernière partie, le pont de Feng Hua à Tianjin en Chine est un des plus imaginatifs. Il évoque à la fois les mobiles de Calder, graciles, et lingéniosité de la génération des pièces presque toutes différentes issues dune même surface courbe pour construire les grandes coques de lOpéra de Sydney de Jørn Utzon.
Celui pour qui certains nenvisageaient peut-être au départ quune carrière dingénieur comme accompagnateur et interprète de projets darchitectes (ce que Mimram et son bureau détudes a fait avec talent pendant une longue période auprès de ses confrères tels Paul Chemetov, Yves Lion, Renzo Piano ou encore Rem Koolhaas) apparaît ici comme un auteur complet dune uvre en expansion où génie civil et architecture ne font quun.
Emmanuel Cros ( Mis en ligne le 03/10/2007 ) Imprimer
Ailleurs sur le web :Lien vers le site de Marc Mimram | | |
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