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Le paradoxe du photo-cinématographe | | | Thierry de Duve Collectif Jeff Wall Phaidon - Artistes contemporains 2006 / 39.95 € - 261.67 ffr. / 212 pages ISBN : 0-7148-9675-6 FORMAT : 25,0cm x 29,0cm
L'auteur du compte rendu : Marion Perceval a suivi les cours de premier et de deuxième cycles de l'Ecole du Louvre (option histoire de la photographie). Elle prépare actuellement une thèse d'histoire des techniques sur les Sociétés d'amateurs photographes à la fin du XIXe siècle et la technique photographique. Imprimer
Jeff Wall serait un «peintre de la vie moderne» (Baudelaire) : louvrage publié par les éditions Phaidon sur le photographe propose en effet de le voir comme tel. Il se compose dentretiens avec Arielle Pélenc puis Jean-François Chevrier, dessais de Thierry de Duve et de Boris Groys ainsi que des écrits de lartiste lui-même. Ce dernier sest attribué la formule du poète, formule reprise ensuite par tous les critiques, et cette référence nest pas anodine.
En effet, la première influence de lartiste se situe autour de cette période bouillonnante de la deuxième moitié du XIXe siècle et notamment de la figure tutélaire de Manet. Ce peintre a littéralement fait exploser la modernité, et évoluer le concept de représentation picturale. Jeff Wall se pose en successeur et refuse lidée que lhistoire de la modernité se soit construite sur une série de ruptures.
Le photographe connaît et utilise continuellement lhistoire de lart comme source principale : le bar aux Folies-Bergère, lOlympia de Manet, mais aussi le Pont de Maincy ou les Sainte-Victoire de Cézanne. Néanmoins, il refuse la citation évidente et lui préfère alors lallusion, le détournement de sources. De fait, comme le remarque Thierry de Duve, la référence picturale est telle que les critiques en oublient que le médium utilisé nest pas la peinture mais la photographie. La différence fondamentale entre les deux arts est que la peinture est une représentation globale dun monde alors que la photographie est un fragment du réel ; paradoxalement, lesthétique de la photographie de Wall nen est pas lexpression. De plus, depuis la Renaissance, la peinture cherche à saffirmer en tant que représentation de la réalité, elle nest et ne peut être - que la reproduction dun fantasme. Avec Jeff Wall, la photographie remplace techniquement la peinture : il photographie des mises en scène étudiées - donc lartifice - si bien quil nomme ses uvres «cinématographies» ou tableaux photographiques.
Mais luvre de Jeff Wall est difficilement transposable dans un petit format. Les originaux sont de grande taille et se présentent de façon particulière, sous forme de caissons lumineux rappelant plus lécran cinématographique ou le panneau publicitaire post-pop que la photographie traditionnelle.
Si les reproductions sont ici de bonne qualité, un regret est pourtant à formuler concernant la traduction des entretiens et des écrits de lartiste, ce qui nentache en rien la finesse et lintelligence des analyses de Thierry de Duve et de Jean-François Chevrier par lesquelles le livre reste passionnant. Le propos est surtout une invitation à la découverte des références de lartiste. Il donne envie au lecteur daller admirer ses uvres pour «repenser, voire reconstruire lidée même de lhistoire de lart» (p.164). Et cest le principal.
Marion Perceval ( Mis en ligne le 15/01/2007 ) Imprimer | | |
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