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Beaux arts / Beaux livres -> Histoire de l'art |
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Quatre millénaires d'art égyptien | | | Jaromir Malek Egypte - 4000 ans d'art Phaidon 2003 / 39.95 € - 261.67 ffr. / 376 pages ISBN : 0-7148-9364-1
L'auteur du compte-rendu : Laurent Bricault, docteur en égyptologie (Paris-Sorbonne), est l'auteur d'un Atlas de la diffusion des cultes isiaques (2001) et du Recueil des Inscriptions concernant les cultes isiaques (2003). Imprimer
On doit à Jaromir Malek, conservateur des Archives du Griffith Institute, partie intégrante de lAshmolean Museum dOxford et temple de légyptologie, plusieurs ouvrages caractérisés par la précision et la clarté du propos. Celui-ci, traduit en français peu après son editio princeps britannique, fait honneur à ses devanciers. La gageure nétait pourtant pas mince, tant les anthologies de ce type sont matière à discussion.
Après une introduction synthétique sur lart égyptien, plus de 300 chefs-duvre sont présentés selon un ordre chronologique rigoureux, depuis une palette en forme de mouton provenant dune tombe de Nagada et datable denviron 4000 av. J.-C., jusquà un cercueil de faucon en forme de naos de la fin du IIe s. apr. J.-C. Chacun des monuments choisis par lauteur est illustré en couleurs et sa fiche signalétique saccompagne dune notice descriptive dune grande lisibilité qui évite les propos généralisants et superficiels parsemant trop souvent ce type douvrage. Le spectre documentaire est large, qui va de la pyramide de Khephren à un petit poisson oxyrhynque en fritte bleue. Une chronologie de plusieurs pages, une bibliographie succincte, un glossaire pratique et un index complètent le volume.
La qualité de lillustration et de la mise en page sont remarquables, mais cest au moins autant la trame qui se dessine au travers des documents choisis qui intéressera les lecteurs de ce très bel ouvrage.
On date généralement du milieu du Ve millénaire lapparition de ce que nous, modernes, appelons des uvres dart égyptiennes. Indissociables des valeurs religieuses, les pratiques artistiques qui se développent alors se caractérisent par une extraordinaire stabilité. En effet, la capacité de lobjet artistique à traduire visuellement notions et concepts abstraits, quils soient politiques ou religieux, lui intime un rôle de garant des valeurs de la civilisation égyptienne, à savoir préserver un équilibre sans cesse menacé par le chaos. Cet «art officiel» est alors essentiellement associé aux sanctuaires, aux milieux funéraires et, dans une moindre mesure, aux édifices séculiers. Mais il ne faut pas pour autant négliger ce que lon a coutume dappeler l«artisanat populaire», dont certaines pièces maîtresses ici présentées nont rien à envier aux monuments plus imposants. Le goût du beau, la piété individuelle souvent si éloignée des pratiques et des dogmes théologiques qui absorbent les membres des clergés égyptiens -, sy expriment dans toute leur humanité. Car légyptien ne possède pas, semble-t-il, de terme équivalent aux mots «art» ou «artiste». Ce sont des artisans, certes talentueux, qui ont réalisé les uvres ici illustrées, mais non des artistes au sens où nous lentendons aujourdhui. La plupart des monuments, aussi magnifiques soient-ils, que nous avons conservés de lÉgypte pharaonique, sont anonymes. Pour un Imhotep concepteur de la première pyramide ou un Men auteur des colosses de Memnon, que de talents demeurés inconnus
jusquà ce que létude comparée des peintures des mausolées de la Vallée des Rois et des tombes dartisans de Deir el-Medineh ne vienne peut-être en faire sortir certains de loubli comme la superbe exposition de Paris qui leur a été consacrée il y a peu nous la laissé entrevoir.
Cest la permanence de cet art et linlassable capacité des créateurs à agencer de manière originale des motifs pourtant répétitifs et bien connus que lon découvrira ou retrouvera au travers des pages de cet ouvrage. Certes, on pourra regretter que lauteur, non seulement interrompe notre voyage vers 180 apr. J.-C., mais aussi ne laisse guère de place aux influences extérieures, ni nélargisse son propos aux monuments situés au Sud de la 1ère cataracte (hormis 5 pages sur Abu Simbel et une statue de Taharqa, qui provient toutefois de Thèbes).
Mais la richesse de ce volume est telle que limagination du lecteur peut ainsi vagabonder et goûter au plaisir de voir revivre sous ses yeux une civilisation, tout en sappropriant, au fil des pages et des (re)découvertes, des concepts idéologiques et artistiques a priori complexes. On ne peut que féliciter lauteur et léditeur pour cette belle réussite.
Laurent Bricault ( Mis en ligne le 26/11/2003 ) Imprimer
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