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Un souffle et un savoir-faire millénaires | | | Véronique Arveiller Les Verres antiques du musée du Louvre - Tome 2, Vaisselle et contenants du Ier siècle au début du VIIe siècle après J.-C. Somogy 2006 / 99 € - 648.45 ffr. / 679 pages ISBN : 2-85056-952-6 FORMAT : 25,0cm x 29,0cm
Préface de Henri Loyrette et Alain Pasquier.
L'auteur du compte rendu : Rachel Lauthelier-Mourier a soutenu en 2002 une thèse de doctorat intitulée "Géographie et rhétorique dans les récits de voyage en Orient à l'époque classique" (Paris IV-Université de Montréal). Elle est aujourd'hui Maître de Conférences à l'Ecole Pratique des Hautes Etudes (EPHE). Ses recherches portent sur le genre viatique et les transferts culturels (épistémologie en particulier). Imprimer
Grâce au projet du Grand Louvre et à la réorganisation des collections, des ensembles dune grande valeur, jusqualors ignorés du public, ont enfin trouvé leur place dans des salles dexposition. On se réjouit ainsi de voir sortir de lombre la verrerie antique du Département des Antiquités grecques, étrusques et romaines. Ces collections, mal connues, auxquelles on ne réservait quune place restreinte, soffrent aujourdhui au regard et à lappréciation du public. Pour accompagner cet aménagement de la salle des verres, le Musée du Louvre a confié à deux spécialistes, Véronique Arveiller-Dulong et Marie-Dominique Nenna, le soin de rédiger un catalogue faisant état des résultats les plus récents de la recherche sur la verrerie antique.
Le premier volume des Verres antiques du musée du Louvre (2000) était essentiellement consacré aux techniques du verre moulé (verre moulé sur noyau, verre moulé à partir d'éléments préfabriqués et verre moulé monochrome) entre le 8ème siècle av. J.-C. et le 1er siècle apr. J.-C. Il sagissait surtout dobjets rares, façonnés dans les ateliers de Méditerranée orientale, à une époque où le verre était un luxe. Mais dès le début de notre ère, avec le développement de la technique du verre soufflé, qui se répand dans tout lEmpire et même au-delà, la verrerie devient plus commune, souvent dusage quotidien (vaisselle ou contenants à parfum et à cosmétique). Cest la période que couvre ce second volume.
En raison des caractéristiques de la collection, louvrage est organisé à partir de critères chronologiques (datation des objets) et géographiques (provenance : Italie et provinces occidentales, Proche-Orient, Egypte, Soudan, monde égéen, bords de la Mer Noire et Moyen-Orient). Au sein de ces subdivisions, les verres antiques sont ordonnés par catégorie fonctionnelle : vaisselle de table, contenants à parfum et à cosmétique, vases de stockage. Plus de 1300 pièces de verrerie commune et de verrerie de luxe sont ici classées, répertoriées, et photographiées. Pour chacune dentre elles une notice renseigne sur la datation, le lieu de production, le type de verre, la mesure, la provenance et la collection dont elle est issue. Il est dailleurs tout aussi intéressant de suivre lobjet, de sa création à son lieu dusage, que de voir, bien plus tard, sur quel lieu de fouilles il a été trouvé et comment il est arrivé au musée du Louvre.
On apprend par exemple que les missions orientales des scientifiques et diplomates du Second Empire enrichissent considérablement les collections. De sa mission de Phénicie, en 1860-1861, Ernest Renan ne rapporte pas moins de 80 objets en verre soufflé, essentiellement des balsamaires et des unguentaria (contenants à parfum et à cosmétique) provenant de nécropoles. Mais si les collections de verres antiques sont dues en grande partie à ces hommes qui, tout au long du 19ème siècle et jusquau milieu du suivant, ont méticuleusement exploré les tumulus et les nécropoles de lempire romain, elles se sont aussi constituées à partir de donations et dachats.
Outre lintroduction générale des auteurs, qui retrace justement lhistorique des collections, chaque chapitre, qui correspond à une période chronologique, souvre sur quelques pages fort documentées (et de surcroît agréables à lire), concernant les ateliers et les artisans, la production et le commerce, pour la période donnée.
Ces deux volumes, dune grande scientificité, deviendront certainement les «bibles» des spécialistes. Mais invitons tous ceux qui, sans être savants sur cette période ou sur la verrerie, aiment lhistoire de lhomme et de ses usages, tous ceux qui aiment lAntique et le beau, à feuilleter et à lire cet ouvrage. Il faut aussi se rendre à la salle des verres du Département des Antiquités grecques, étrusques et romaines du musée du Louvre, pour admirer ces pièces issues dun souffle et dun savoir-faire millénaires et qui, malgré leur grande fragilité, sont arrivées jusquà nous. Lon pense alors à Sénèque qui évoque, dans une lettre à Lucilius, la magie de cet art naissant : «Jaurais bien voulu montrer à Posidonius le verrier donnant au verre avec son souffle mille formes quune main pourtant habile aurait peine à reproduire.» (XIV, 90, 29). Et lon se dit, trivialement certes, mais nous sommes tous sensibles au temps qui passe, quil aurait pu toucher de ses mains la coupe que nous regardons, encore chaude de son contact avec le feu.
De la brièveté de la vie
pas du verre.
Rachel Lauthelier-Mourier ( Mis en ligne le 12/04/2006 ) Imprimer | | |
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