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Un plongeon dans sa (dé)mesure | | | Serge Toubiana Frédéric Strauss Matthieu Orléan Collectif Almodovar : Exhibition ! Panama 2006 / 59 € - 386.45 ffr. / 150 pages ISBN : 2-7557-0133-1 FORMAT : 21,5cm x 28,0cm
Catalogue d'une exposition tenue à la Cinémathèque française (Paris) du 5 avril au 31 juillet 2006. Imprimer
Pedro Almodovar et son oeuvre, véritables fiertés espagnoles, sont aussi de nobles et précieux joyaux européens. Depuis plus de vingt ans, le cinéaste passionne un public toujours plus large et avide de films où la plus digne irrévérence le partage à un sens incomparable du mélo. Salué à Cannes cette année pour lun de ses films les plus aboutis, Volver, Almodovar traîne placidement mais la larme souvent à lil un succès vrombissant et tranquille, ses films sépuisent sur les rayons des FNAC et consort (bien vu, TF1 vidéo !), et la critique lencense au point de sembler obséquieuse.
Mais Pedro mérite ses palmes et les louanges, tout comme la très riche rétrospective qui lui est consacrée à la Cinémathèque française coule de source, évidemment. Visible à Paris jusquau 31 juillet prochain, lexposition sadmire aussi, plus vraie que nature, dans le splendide catalogue que les éditions Panama lui consacrent. Plus quun ouvrage, un bel objet ! Car huit carnets thématiques, reprenant la mise en scène de lexposition, sont renfermés dans un coffret parfaitement pensé, objet artistique en soi, le profil du génie se découpant sur un fond coloré dans un ensemble argenté.
Huit livrets pour se plonger dans lunivers almodovarien, complexe, raffiné, exubérant, subtil parce quà la croisée de nombreux chemins, entre modernité et tradition, hispanité et universalisme, féminité et machisme, sagesse et explosion, rupture et création, vie et mort, autant dexcès aux franges desquels lartiste a su trouver très tôt sa propre (dé)mesure. «Je crois que ce mélange de Mancha ancestrale et de Madrid moderne, et hédoniste, est un élément clé dans mes histoires», confie-t-il ici. «Emois», «Madrid», «En plein corps», «La Figure humaine», «Pop», «LEcrit», «La Vie spectacle» sont les sept étapes retenues pour baliser litinéraire artistique du réalisateur, avant quun huitième et dernier livret noffre les textes des deux commissaires de lexposition, Matthieu Orléans et Frédéric Strauss, également commentateurs des sept premiers cahiers. Mais aussi ceux de Serge Toubiana, directeur de la Cinémathèque française, de Juan Gatti, Catherine Millet et Antonio Tabucchi.
Les textes, les photogrammes des films dAlmodovar, photos de tournages, photos tout court, uvres fétiches que lon aura aperçues dans quelques scènes, les cahiers de ladolescents déjà hanté par sa vocation, ses textes et scénarios
toute une armada des muses précise lunivers culturel du cinéaste, ses références ou échos : lhyperréalisme madrilène du peintre Antonio Lopez Garcia, les créations graphiques de Juan Gatti, compagnon des premières heures, Jean-Paul Gautier, Dis Berlin, Cocteau, Ceesepe, Truman Capote, et tous ces films qui alimentent sa production, allant jusquà y apparaître. Almodovar explique dailleurs ici pourquoi il a systématiquement choisi ces mises en abîme, cette intertextualité au sein du 7e art. On savoure.
Et puis les femmes qui exaltent son humanisme, les «folkloricas» et les bimbos, les icônes hollywoodiennes et les mammas des quartiers populaires, filmées amoureusement, souvent en cadre serré pour voler un reflet dans le regard, le frémissement dune lèvre. On revoit ici, film après film, les actrices nombreuses et toujours revisitées du réalisateur : Marisa Paredes, Carmen Maura, Victoria Abril, Rossy de Palma, Cecilia Roth, Chus Lampreave, et Penelope Cruz, bien sûr. Diverses mais également sublimes, et rassemblées sous lil du cinéaste
«Le surréalisme croise chez lui lesthétique des marchés au puce», signalent les deux commissaires, ce Rastro en plein Madrid où, tous les dimanches, une foule bruyante se rassemble pour marchander et flâner, où Pedro a ses adresses, cavernes dAlibaba où il vient piocher les objets kitsch qui peupleront son uvre. Une uvre dense, percutante, chavirante, sans cesse déclinée selon une ligne jamais détournée, que lon goûte à chaque fois avec une plaisir dévot et étonné, et longue, longue encore, on lespère
Bruno Portesi ( Mis en ligne le 12/07/2006 ) Imprimer
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