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''Il n’est de départs que vers le soleil''
Christine Peltre   Le Voyage en Afrique du Nord
Bleu autour - D'un regard l'autre 2018 /  28 € - 183.4 ffr. / 244 pages
ISBN : 978-2-35848-091-8
FORMAT : 22,7 cm × 22,8 cm

Leïla Sebbar (Préfacier)
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Christine Peltre est professeur d’Histoire de l’art contemporain à l’université de Strasbourg ; elle a déjà publié aux éditions Bleu autour Femmes ottomanes et dames turques, Cartes postales 1880-1930. Ce Voyage en Afrique du Nord s’appuie sur une collection originale de documents rassemblés par Pierre de Gigord au fil des décennies. Une collection de documents éphémères, anecdotiques, fragiles : brochures, prospectus, affiches de voyage, etc. Documents modestes, le plus souvent négligés, oubliés, qui, ici, offrent au regard intelligent de Christine Peltre le support d’une réflexion sur le voyage et l’exotisme, des années 1880 aux années trente. Elle s’interroge sur la séduction de cette «Afrique du nord» qui a précédé notre Maghreb, séduction vantée par de multiples auteurs, et entremêle textes littéraires et images pour cerner la construction de cet imaginaire.

«Il n’est de départs que vers le soleil», affirme Colette. Ce «soleil» que l’on va chercher sur les rives africaines de la Méditerranée devient dans la période étudiée une destination touristique qui se nourrit d’un imaginaire construit au cours du XIXe siècle, et de références à l’orientalisme romantique (Delacroix, Fromentin, etc.), à la Grèce classique, à l’Andalousie des Maures. Christine Peltre constate : «La parenthèse enchantée du tourisme se vit dans un envol de représentations échappées des kaléidoscopes et autres lanternes magiques, perçues avec les «lunettes bleues» recommandées aux touristes avant le voyage, et s’encadrant dans les ouvertures prometteuses de «portes», de «fenêtres» ou de rideaux qui se lèvent à demi».

Outre l’élite qui a les moyens de voyager, de passer la saison hivernale dans des pays aux climats plus doux, les Français ont l’occasion de rêver à ces horizons inégalement lointains grâce aux affiches de compagnies maritimes, de chemins de fer, aux expositions universelles et coloniales, aux brochures publicitaires des palaces, aux guides de voyage. Colorées, ces images insistent toutefois sur le mystère, présentent paysages, villes, indigènes à travers des encadrements et mises en scène en forme de fenêtres, de portes dont l’arc en ogive donne à voir à l’Occidental le spectacle «oriental» dont il rêve.

Le tourisme qui se développe, quoique réservé à un petit nombre, diffuse ces images d’un «Orient» coloré et dépaysant. Un dépaysement tout relatif puisque les auteurs insistent souvent sur le rapprochement avec la France, tel Camille Mauclair qui, dans son ouvrage intitulé Les Douces beautés de la Tunisie (1936), décrit un paysage en ces termes : «C’est ici la Touraine tunisienne, pour la douceur, l’aisance, la grâce : et on serait tenté de dire que plus loin commence la Beauce ou son équivalent, en la plaine indéfinie qui, au lieu de blé, assure au pays les revenus de cinq millions d’oliviers».

Puisant aux récits de voyage (en particulier Alexandre Dumas), l’Afrique du Nord est également le lieu des fantasias à cheval, réincarnées à l’époque contemporaine par les spahis, soldats exotiques et pittoresques… La belle indigène fait l’objet d’abondantes illustrations, des plus chastes aux plus affriolantes, femme doublement invisible sous son habit et cloitrée dans sa maison, ou au contraire offerte dans les «maisons closes» au nom en forme d’oxymore. Progressivement apparaissent aussi comme dignes d’intérêt les monuments islamiques, la mosquée de Kairouan devient un passage obligé en Tunisie et les «villes blanches» de l’Islam sont opposées aux «villes d’or» romaines (Louis Bertrand, Les Villes d’or. Afrique et Sicile antiques, Paris, Arthème Fayard 1921). L’intérêt pour l’Islam se développe, qui se traduit en architecture par l’apparition, au début du XXe siècle, du style néo-mauresque.

Il ne faut toutefois point trop attendre du touriste qui ne s’intéresse guère durant son voyage aux réalités du pays et de ses habitants, et lui préfère de loin les stéréotypes qu’il s’attend à retrouver pour les avoir découverts dans les guides, affiches, et documents divers qui ont accompagné la préparation de son voyage. Christine Peltre conclut ainsi son beau travail sur une citation d’Henri Bosco, qui a vécu au Maroc de 1931 à 1955 : «Ne voyant que des figurants, il se croit au théâtre. Curieux théâtre où les acteurs, ceux qui tissent et jouent le drame, demeurent invisibles. Mais le touriste ne sait même pas qu’ils lui sont invisibles. Là où il ne voit rien, ni personne, il n’y a rien…» (Des sables à la mer, Paris, 1950).

Un «beau» livre, original, avec une iconographie d’autant plus remarquable qu’elle appartient à une catégorie de documents considérés comme mineurs et donc moins connus que la peinture orientaliste, complétée de très nombreux témoignages littéraires, et une analyse tout à fait intéressante de l’auteur sur ce phénomène, alors relativement nouveau, du tourisme.


Marie-Paule Caire
( Mis en ligne le 28/09/2018 )
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