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Cabinet de curiosités
Jean-Marie Blas de Roblès   Là où les tigres sont chez eux
J'ai lu 2010 /  10.40 € - 68.12 ffr. / 892 pages
ISBN : 978-2-290-01710-4
FORMAT : 11cm x 18cm

Première publication en août 2008 (Zulma)

L’auteur du compte rendu : Ancien élève de l’École Normale Supérieure Lettres et Sciences Humaines de Lyon, agrégé de Lettres Modernes, Fabien Gris est actuellement moniteur à l’Université de Saint Etienne. Il prépare une thèse, sous la direction de Jean-Bernard Vray, sur les modalités de présences du cinéma dans le roman français contemporain.

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Un journaliste érudit exilé au Brésil, un groupe de paléontologues perdus dans la forêt amazonienne, un adolescent cul-de-jatte des favelas qui veut se venger d’une société inégalitaire et injuste, une jeune femme en plein trouble sentimental, et un père jésuite savant du XVIIe siècle. Voici les cinq personnages qui constituent le gros roman de Jean-Marie Blas de Roblès : Là où les tigres sont chez eux. Ces cinq personnages sont les protagonistes des cinq récits qui se déroulent en parallèle tout au long des presque neuf cents pages du livre. Comme l’on peut s’en douter, et fidèle en cela à la tradition de l’«œuvre-chorale», les cinq fils ainsi déroulés sont en réalité finement tressés les uns avec les autres. Échos, résonances, parallélismes, par-delà les lieux et les époques, se font jour au fil des pages.

Là où les tigres sont chez eux est tout d’abord une sorte de tour de force : par sa longueur, par son sens du rythme (on ne s’y ennuie jamais), mais surtout par son ambition totalisante. En effet, Jean-Marie Blas de Roblès choisit de faire de son roman un véritable cabinet de curiosités, semblable à ceux que le père Athanase Kircher visite aux quatre coins de l’Europe Baroque. Ces cabinets, véritables collections d’objets hétéroclites et extravagants, apparaissent comme une métaphore du texte. L’auteur déroule avec naturel et aisance un savoir encyclopédique, touchant aux arts, à l’Histoire, à la littérature (le titre, d’ailleurs, est emprunté à Goethe), à l’ethnologie, aux sciences dures… Une volonté d’exhaustivité qui se retrouve dans la narration, à travers le choix de mener de front cinq histoires et une trentaine de personnages, de mêler les genres (romance, aventures, chronique, pastiche de mémoires du XVIIe siècle, carnets…), les tonalités. On ajoutera également que les descriptions tout comme les passages narratifs sont presque systématiquement dépourvus d’ellipses ; rien n’est passé sous silence : chaque geste, chaque objet, chaque lieu devient signifiant, devient un élément d’un gigantesque puzzle, et trouve de fait sa place dans les lignes du livre.

Mais que l’on ne se méprenne pas : l’érudition déployée par l’auteur n’étouffe jamais le récit, mais au contraire le nourrit et le ramifie. Véritable «encyclopédie romanesque» (autorisons-nous cet attelage), Là où les tigres sont chez eux est sans doute une des preuves les plus éclatantes de ce mouvement enclenché depuis les années 1980 qu’Aron Kibédi Varga nommait la «renarrativisation» : on revient au récit, voire au romanesque le plus échevelé ; on délaisse la stricte expérimentation langagière pour retrouver un certain plaisir de (se faire) raconter des histoires. Jules Verne et Joseph Conrad hantent ainsi le roman de Jean-Marie Blas de Roblès.

Conséquence de cette volonté totalisante et de cette ambition gigantesque, tout n’est pas également réussi. Certains dialogues apparaissent forcés notamment, surtout par rapport aux passages narratifs et descriptifs la plupart du temps virtuoses et inventifs. Certains fils du récit passionnent moins que d’autres et semblent dans une certaine mesure sacrifiés (ceux de Moema ou de Nelson notamment). «Ce n’est pas impunément qu’on erre sous les palmiers, et les idées changent nécessairement dans un pays où les éléphants et les tigres sont chez eux» : nous ne sommes plus tout à fait chez nous, mais voyageons dans le monde créé par Blas de Roblès, une mosaïque faite de pièces multiples de notre réalité et de notre histoire réunies dans un tourbillon foisonnant. A la fois fiction et encyclopédie, entre science et imagination, le pays des tigres et des éléphants nous attire.


Fabien Gris
( Mis en ligne le 08/03/2008 )
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