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La revanche de la prostate
Gérard Pussey   Les Succursales du ciel
Le Livre de Poche 2011 /  6,50 € - 42.58 ffr. / 214 pages
ISBN : 978-2-253-13461-9
FORMAT : 11cmx18cm

Première publication en août 2009 (Fayard)
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«Donc, la prochaine rentrée des canapés se ferait sans Julien Dufour. En deuil, les nouveaux tissus. Orphelin, le drap-housse». Critique littéraire pour Elle, Gérard Pussey nous gratifie ici d’un roman où la médiocrité ménagère nappe généreusement le propos, au risque de l’y noyer. Car bien entendu, les soucis de machine à laver et de thon en miettes ne sont là que pour illustrer les angoisses existentielles d’un écrivain qui a perdu l’habitude et l’envie d’écrire. Mais, c’est bien connu, le quotidien est envahissant, et plus encore pour qui n’a jamais voulu l’apprivoiser.

Or Julien Dufour est vite débordé, et c’est l’histoire de ce tournant difficile à négocier, celui de la cinquantaine flétrie, qui nous est ici contée. Le narrateur découvre que son travail, son mariage, sa relation avec sa fille, sont en train de lui échapper. Il vieillit. Ses amis vieillissent aussi et les balles sifflent de plus en plus près. Les issues de secours se font rares, et gagnent par conséquent en attrait, quelque amorales qu’elles puissent être. Les médicaments détournés, une femme bien trop jeune et bien trop belle pour lui, l’auréole romantique de l’écrivain : voici quelques-unes des voies qui s’offrent à lui, en plus de celle du club de pétanque de quartier. Comment choisir ?

Ancien soixante-huitard, Dufour a enterré tous ses rêves, mais ne veut pas encore se refuser quelques derniers plaisirs. Car, dans le monde recréé par Pussey, les dernières solidarités s’effritent, les manipulations réciproques se développent, le donnant-donnant et ses duperies corollaires prennent le pas sur la gratuité du don ; les appétits bâillonnent la conscience, la bêtise étouffe la grandeur, la prostitution est plus honnête que l’amour. Alors le résultat est triste, bien sûr. Mais le ton de magazine féminin ou de forum trivial donne une impression de manque d’authenticité, qui empêche l’émotion de prendre.

On trouve dans Les Succursales du ciel un peu de dandysme (le recours récurrent, notamment, à des «téguments», «mamelue», «vouivre» et autres raretés convoquées toutes les deux pages sans grande nécessité), un peu de complaisance, doublée d’un opportun second degré, pour la petitesse des horizons élus par nos contemporains, et un peu de réflexion sur l’amour et la littérature. Le mélange reste hélas trop superficiel, trop dilué et si les préoccupations décrites correspondent bien à une souffrance sociale existante, c’est malheureusement en ce qu’elle a de plus bas, c’est dans sa nullité.

Ce n’est donc pas un mauvais roman que nous propose ici l’auteur, mais un témoignage fidèle et donc peu attrayant porté sur la misère affective, morale et sexuelle qui a envahi nos vies – témoignage heureusement relevé par un humour certain.


Aurore Lesage
( Mis en ligne le 16/09/2011 )
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