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Un bébé sans histoire
Isabelle Monnin   Les Vies extraordinaires d’Eugène
Pocket 2013 /  6.10 € - 39.96 ffr. / 212 pages
ISBN : 978-2-266-23386-6
FORMAT : 11,0 cm × 17,8 cm

Première publication en août 2010 (JC Lattès)

L'auteur du compte rendu : Françoise Poulet est une ancienne élève de l'École Normale Supérieure de Lyon. Agrégée de lettres modernes, elle est actuellement ATER à l’Université d’Avignon et prépare une thèse sur les représentations de l'extravagance dans le roman et le théâtre des années 1630-1650, sous la direction de Dominique Moncond'huy.

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Au cours des dix dernières années, plusieurs récits, essais ou romans, ont abordé la difficile question de la mort du bébé ou du petit enfant : comment peut-on supporter de voir mourir celui que l’on vient tout juste de voir naître ? Comment faire le deuil de cette perte ? Isabelle Monnin s’inscrit explicitement dans ce courant en citant, par l’intermédiaire de son narrateur, le père d’Eugène, Philippe de Camille Laurens et Tom est mort de Marie Darrieussecq. Sans prétendre aborder ce sujet en pionnière, elle tire au contraire profit de ce qui a été dit et écrit avant elle.

Eugène est né le 17 novembre 2007 et disparaît le 23 novembre de la même année : grand prématuré, il n’a guère connu que la couveuse, les infirmières et l’appareil de respiration assistée, pendant les quelques jours qui ont constitué sa vie. Sa mort laisse ses parents anéantis : le traumatisme plonge sa mère dans le mutisme et la confection acharnée de pantalons en velours rouge, tandis que son père tente de combler l’absence de son fils par l’écriture et la préparation intensive du marathon de New York.

Historien de profession, le père d’Eugène décide d’écrire l’histoire de son bébé : par «histoire», il n’entend pas inventer des romans, imaginer des destins plus romanesques les uns que les autres pour son fils, mais bien plutôt, avec méthode, en retracer la courte biographie. Le narrateur ouvre donc un fichier «L’histoire de notre fils.doc» dans son ordinateur et se lance dans une enquête minutieuse, à partir des témoignages des quelques personnes qui l’ont côtoyé (les infirmières), d’investigations sur les bébés qu’il aurait dû fréquenter à la crèche, de recherches sur les circonstances de sa mort, de son enterrement, etc.

Progressivement, le narrateur compose un récit qui se nourrit de lui-même. Les quelques phrases lapidaires annonçant sa mort sont retravaillées, pétries et développées dans un crescendo qui aboutit au livre que nous tenons dans les mains : à partir de la date du 23 novembre, et pendant un an, dans un récit qui se fait journal intime, mais qui prend aussi en compte l’actualité des années 2007 et 2008, le père d’Eugène entretient la minuscule vie de son fils et l’enrobe de mots dans le but de rendre la parole à sa femme, de lui montrer qu’il n’y a pas «rien à dire de plus».

Habité par la folle fantaisie et la douceur de ceux qui n’ont plus rien à perdre, le récit évite tout pathos, emphase et ressassement tragique : il raconte la souffrance quotidienne avec quelques pointes d’humour et a pour climax la lettre finale de la mère, seul moment où celle-ci se met à «parler», qui condense avec force en quelques pages l’aspect bouleversant de l’ouvrage.

Construites sous forme de cycle, de la mort d’un bébé à celle d’un vieillard (l’arrière-grand-père d’Eugène), ses «vies extraordinaires» – l’adjectif est à entendre au sens de «non-vécues», «hors de la vie ordinaire», ou encore «rêvées», et non au sens de «romanesques» ou «merveilleuses» – disent avec subtilité l’absurdité du fil d’existence tranché net, dès son point d’origine, ainsi que la douleur aiguë de ceux qui restent.


Françoise Poulet
( Mis en ligne le 29/03/2013 )
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