| Hermann Koch Le Dîner 10/18 2013 / 8.10 € - 53.06 ffr. / 355 pages ISBN : 978-2-264-05781-5 FORMAT : 11,0 cm × 17,8 cm
Première publication française en mai 2011 (Belfond)
Traduction d'Isabelle Rosselin Imprimer
Ce dîner, Paul Lohman, le narrateur, ne voulait pas y aller : il naime pas les restaurants chics, il naime pas son frère Peter homme politique à la mode, promis à un avenir ministériel -, et surtout, il nest pas dattaque, après une découverte fortuite dans la chambre de son fils, qui bouleverse tout son petit univers
Oui mais voilà, on néchappe ni à la famille, ni au dîner, ni au numéro de charme du frère, ni aux questions qui vont miner ce repas. Car des questions, Paul sen pose, trop peut-être : pourquoi sa belle-sur, la sublime Babette, pleure-t-elle ? Pourquoi ne parvient-il pas à comprendre son fils, Michel, ado poussé un peu rapidement en graine (bonne ou mauvaise ?) ? Pourquoi est-il si mal, lui-même ? Au hasard dun long repas et de ses multiples rituels, et interruptions, le miroir se fend et Paul réalise quil y a dans sa vie dhomme normal, de père et de mari, des fissures, des lézardes, qui sont celles de notre société. Violence, lâcheté, dépression, fuite, solitude. Lespace dune soirée, le réveil est rude, et la prise de conscience épique, entre deux plats et un aparté.
Original et rapidement prenant, ce roman gros succès aux Pays Bas commence lentement, par lexposition des personnages, pour se concentrer peu à peu sur le fait principal, le tabou autour duquel tout le monde tourne et se tait, lacte intolérable et toléré. Mais tout cela au prisme de la personnalité de Paul, professeur dhistoire déprimé, frère haineux et mesquin, père manquant, mari en adoration devant son épouse Claire, sa vigie et sa planche de salut.
Le roman, écrit sans trop de style, est efficace, fonctionnant sur une mécanique bien huilée de révélations et daperçus : le paysage intérieur de Paul se dévoile ainsi que son passé, forçant le lecteur, qui lui était plutôt acquis, à considérer le personnage (et son entourage) sous un autre jour. Car au-delà du dîner familial bien cadré, il y a déjà la réalité dune famille déchirée par de petites haines sourdes, de lenvie, de la jalousie, et un drame qui se précise. Surtout, à travers Paul et les siens, on se retrouve face à une société hollandaise, occidentale, moderne - dure et à des problèmes éprouvants (la dépression, la violence et lincommunicabilité dans les familles) : chacun essaie de préserver la surface, les apparences, mais il en faut peu pour que la bulle ne crève.
Une comédie de murs, parfois grinçante, qui se mue peu à peu en un drame policier, avec, en toile de fond, la comédie des apparences dans un lieu public. Une variation intéressante
Gilles Ferragu ( Mis en ligne le 08/02/2013 ) Imprimer | | |