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| Camille de Peretti La Casati Le Livre de Poche 2012 / 6,60 € - 43.23 ffr. / 288 pages ISBN : 978-2-253-16289-6 FORMAT : 11cm x 18cm
Première publication en avril 2011 (Stock) Imprimer
Après trois romans oscillant entre hommage aux grandes figures de la littérature et récit contemporain, Camille de Peretti (née en 1980) sattaque à une muse quelque peu oubliée, voire délaissée par la postérité, La Casati, dont le seul talent consista à inspirer quelques grands artistes du début du siècle dernier. Man Ray limmortalisa en 1922 en photographiant la marquise de manière involontairement floue, lui laissant apparaitre deux paires dyeux !
Comme il existe des ouvrages de vulgarisation scientifique, Camille de Peretti propose une vulgarisation du genre biographique en évoquant de manière historico-fictionnelle lexistence pour le moins mouvementée de Luisa Adele Rosa Maria Amman, dit La Casati (1881-1957), qui connut la gloire, le succès puis, fatalement si lon peut dire, la déchéance.
Lécrivaillon (comme lauteur se définit elle-même) propose trois schémas narratifs au lecteur. Le premier consiste à lui expliquer comment elle a été amenée à travailler sur ce personnage et les recherches quelle a pu faire pour en arriver à ce résultat, le second sattache à la description chronologique de lexistence de la jeune femme, puis le dernier propose de revenir sur une période bien précise (qui se donne en comparaison avec la vie de la muse) de la vie de lauteur elle-même, la jeune et belle Camille de Peretti, au moment où elle a cru devenir une actrice incontournable !
Car cest en lisant la biographie de La Casati que de Peretti a vu poindre un rien de ressemblance entre elle et la muse. Car elle aussi voulait en devenir une, une étoile qui apparaitrait sur les écrans de cinéma et un modèle qui inspirerait son peintre de mari. Mais comme Luisa, toute proportion gardée, ses rêves de paillette et de gloire sécroulèrent en les personnes du réalisateur qui lengagea et qui nétait autre quun vieil amoureux transi qui lui tendait un traquenard, ou de son mari nettement plus doué en caprice quen peinture et quelle finit par quitter ! Du coup, Camille décrit Luisa dans toutes les postures, en orpheline, en ingénue, en muse de dAnnunzio, en modèle de Van Dongen, en sujet de Man Ray, ou encore en amante de Romaine Brooks.
Si lon est nettement moins convaincu de lintérêt culturel de La Casatti (en tout cas telle quelle est racontée par lauteur) qui nétait ni Kiki de Montparnasse, ni Lee Miller, on sintéresse davantage à Camille de Peretti qui se met en scène, notamment par l'évocation d'un parcours quelque peu chaotique lui aussi. En écrivain sans prétention, elle lance deux-trois choses justes et fort à propos sur les relations homme-femme, la littérature moderne ou encore le destin dune «mondaine», quelle soit daujourdhui ou du siècle passé. Car malgré son joli minois et sa plume alerte, de Peretti se voit refuser les entrées par lesquelles elle se voyait déjà en haut de laffiche ; cest plutôt rassurant de voir cela. Et chose curieuse, la littérature, comme souvent chez les rejetés, lui permet de rebondir.
En rendant hommage à une femme banale mais brutale (et dont le principal attrait était de briller en société et sur écran), de Peretti saisit lenvers du décor en construisant son propre personnage, plus écorché, moins frivole, en phase avec son époque plus cynique et moins guillerette. Par ce parti littéraire décrire sa propre biographie en partant dune autre femme, on reste plus attaché au présent quau passé. En effet, La Casatti apparaît comme une mondaine classique des Années folles, préfigurant ainsi limportance donnée aux «people» de nos jours, malgré leur inanité et leur vide intellectuel. De Peretti, en jeune femme qui a encore des rêves de princesse, peut admirer son aînée, voire sen imprégner, mais limportant est de se trouver. Et là où l'on sattendait à une lecture de midinette, on ressort avec, dans lesprit, un ouvrage sans prétention mais qui remplit son contrat de double biographie. Camille de Peretti parle de «ses héros de la générosité» ; son livre, en sattachant à une femme un peu seule, un peu en marge, lui rend un bel hommage. Que demander de plus ?
Jean-Laurent Glémin ( Mis en ligne le 13/07/2012 ) Imprimer | | |
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